About us / Contact

The Classical Music Network

Versailles

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Apothéose haendélienne

Versailles
Salon d’Hercule
12/20/2024 -  
Georg Friedrich Händel : Rinaldo, HWV 7a : Ouverture & « Venti, turbini » – Agrippina, HWV 6 : « Otton, Otton!... Voi che udite » – Berenice, Regina di Egitto, HWV 38 : « Sù Megera, Tisifone, Aletto » – Amadigi di Gaula, HWV 11 : « Pena tiranna » – Ariodante, HWV 33 : « Dover, giustizia, amor » – Giulio Cesare in Egitto, HWV 17 : « Se in fiorito ameno prato » & « Va tacito e nascosto » – Orlando, HWV 31 : « Già l’ebro mio ciglio » – Concerto pour violon en si bémol majeur, HWV 288 – Tolomeo, Re di Egitto, HWV 25 : « Stille amare », « Se un solo e quell core » & « S’è ristretto fra catene »
Paul-Antoine Bénos-Djian (contre‑ténor)
Orchestre de l’Opéra royal de Versailles, Théotime Langlois de Swarte (violon solo et direction)


T. Langlois de Swarte, A. Charvet, P.‑A. Bénos‑Djian
(© Sébastien Gauthier)



Un des plaisirs et, n’hésitons pas à l’écrire, une des magies des concerts donnés sous la houlette de Château de Versailles Spectacles tient à la diversité des lieux : Opéra royal, Chapelle royale, galerie des Glaces, salle des Croisades... Chaque écrin, qui porte en lui l’Histoire de France dans ce qu’elle a de plus célèbre et de plus magnifique, permet d’entendre une diversité d’artistes et de répertoires qui font de la plupart de ces concerts des moments privilégiés. Il en aura été indéniablement de même ce soir.


Le mauvais temps de cette seconde quinzaine de décembre n’a pas empêché les spectateurs de venir en nombre gravir le grand degré de l’aile nord du château pour investir le magnifique salon d’Hercule qui précède, si l’on poursuit ses pérégrinations en face, les salons de l’Abondance, de Vénus, de Diane notamment, et qui ouvre sur le salon de la Chapelle à droite, lequel permet d’accéder à la loge royale de la Chapelle d’où le souverain et sa famille pouvaient assister aux offices en toute quiétude. Pouvant accueillir 180 spectateurs, le salon d’Hercule, ainsi nommé en raison du magnifique plafond (L’Apothéose d’Hercule) peint par François Lemoyne de 1733 à 1736, qui compte pas moins de 142 personnages groupés en neuf ensembles, permet en outre d’accueillir une assez vaste scène en hauteur (avec en toile de fond le gigantesque tableau Le Repas chez Simon de Véronèse) sur laquelle s’installèrent les vingt‑trois membres de l’Orchestre de l’Opéra royal, créé en 2019 seulement (voir ici), phalange qui regroupe de jeunes musiciens aguerris venant de différents orchestres et participant à l’aventure au fil des représentations et des concerts prévus à l’agenda de l’ensemble.


Placés sous la direction du violoniste Théotime Langlois de Swarte (également à l’archet, notamment pour un méconnu concerto pour violon de Händel aux volutes venues tout droit de chez Corelli), cet orchestre accompagnait ce soir Paul‑Antoine Bénos‑Djian dans le redoutable exercice qu’est le récital. Dans un programme intitulé « Kings and Heroes », le contre‑ténor, âgé seulement de 33 ans et déjà riche d’une belle carrière, a choisi de ne chanter que des extraits d’opéra de Georg Friedrich Händel, compositeur dans lequel on a déjà eu l’occasion de l’entendre avec une certaine réussite (voir ici, ici, ici et ici). Alternant le très connu (Giulio Cesare in Egitto) avec le plus rare (Tolomeo, Re d’Egitto ou Amadigi di Gaula), il se livra à l’exercice de la plus brillante des manières. Au fil de ces divers extraits, il nous plongea avec art dans la douleur et la plainte (l’air d’Othon « Voi, che udite il moi lamento » au début du deuxième acte lorsque les amis du héros l’abandonnent sur la foi des fourberies d’Agrippine, magnifiquement accompagné par les cordes et les deux hautbois), dans la véhémence (génial air « Sù Megera, Tisifone, Aletto » dans lequel la voix porte l’orchestre et où les cordes tressautent, le violoncelle d’Hanna Salzenstein et le clavecin de Chloé de Guillebon s’en donnant à cœur joie) ou dans la délicatesse la plus exquise (l’air « Già l’ebro mio ciglio » tiré du troisième acte d’Orlando, le chanteur n’étant ici accompagné que par un violon, un alto et les pizzicati des trois violoncelles et du violone, air distillant une émotion à fleur de peau écouté d’ailleurs dans un silence religieux).


L’alternance, assez classique (ne serait‑ce que pour permettre au chanteur de se « reposer » un peu), entre passages rageurs et airs plus doux, témoigna à chaque instant du plaisir évident des musiciens de faire de la musique ensemble et de la parfaite entente nouée avec Paul‑Antoine Bénos‑Djian. Le jeu tissé entre le chanteur et Théotime Langlois de Swarte dans la cadence (totalement improvisée nous avouèrent‑ils ensuite !) concluant l’air « Se in fiorito ameno prato » (au deuxième acte de Giulio Cesare), les regards jetés les uns aux autres, l’enthousiasme général illustrèrent tous les atouts dont peut bénéficier une véritable équipe musicale. L’orchestre aura certes montré quelques imperfections mais elles n’auront nui en rien à la réussite générale : comment ainsi ne pas applaudir les deux cornistes Edouard Guittet et Alexandre Fauroux lorsqu’ils accompagnèrent avec une dextérité à toute épreuve l’air « S’è ristretto fra catene » (Tolomeo) et comment ne pas tirer notre chapeau à la bassoniste Diane Mugot lorsqu’elle intervint dans l’air « Venti, turbini » tiré de Rinaldo, qui plus est lorsqu’il est pris à un tel train d’enfer par Théotime Langlois de Swarte ?


Chaleureusement applaudis par un public enthousiaste, Paul‑Antoine Bénos‑Djian et l’Orchestre de l’Opéra royal de Versailles offrirent trois bis, dont deux qui bénéficièrent de la présence lumineuse de la jeune mezzo‑soprano Adèle Charvet. Nés exactement le même jour et tous deux originaires de la région montpelliéraine comme le précisa Paul‑Antoine Bénos‑Djian lors de ses remerciements, les deux chanteurs interprétèrent tout d’abord le célèbre duo « Son nata a lagrimar », également tiré de Giulio Cesare in Egitto (les adieux entre Sextus et Cornelia à la fin du premier acte) : sans aucun effet superflu, le duo fonctionne parfaitement et nous étreint du début à la fin. Mais la surprise vint surtout du deuxième bis, dans lequel ils chantèrent le magnifique « Sound the trumpet » de Purcell (tiré de l’Ode pour l’anniversaire de la Reine Marie) : l’entente était de nouveau patente, le jeu, le plaisir, la fraîcheur de l’interprétation étaient tels qu’ils éclipsèrent presque le bis précédent, et firent en tout cas un peu d’ombre à la reprise (abrégée) de l’air « Venti, turbini ».


Une conclusion enthousiasmante pour un récital au cours duquel, à l’instar du héros auquel est dédié le plafond de la salle, Paul‑Antoine Bénos‑Djian aura amplement mérité de recevoir ses lauriers de contre‑ténor haendélien !


Le site de Paul-Antoine Bénos-Djian
Le site de l’Orchestre de l’Opéra royal de Versailles



Sébastien Gauthier

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com