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Grand style

Lyon
Auditorium Maurice Ravel
11/24/2024 -  et 13, 14, 16 (Budapest), 19 (Lugano), 20 (Rotterdam) novembre 2024
Johannes Brahms : Danses hongroises, WoO 1 : 1. Allegro molto (orchestration Brahms) & 11. Poco andante (orchestration Albert Parlow) – Concerto pour piano n° 1 en ré mineur, opus 15 – Symphonie n° 1 en ut mineur, opus 68
Kirill Gerstein (piano)
Budapesti Fesztiválzenekar, Iván Fischer (direction)


K. Gerstein (© Marco Borggreve)


C’est un privilège pour le public lyonnais que de bénéficier de l’une des deux dates de la tournée française de l’Orchestre du Festival de Budapest. Fondée en 1983 par le regretté Zoltán Kocsis et Iván Fischer, la formation hongroise est aujourd’hui l’une des meilleures d’Europe, et la voir proposer un programme entièrement dévolu à Johannes Brahms, l’un de ses compositeurs fétiches, laisse présager une soirée de grand style symphonique.


Disons d’emblée que cet espoir n’a pas été déçu en ce dimanche à l’Auditorium Maurice Ravel. On peut être surpris qu’Iván Fischer et ses musiciens aient choisi de placer une des Danses hongroises en ouverture de chacune des parties du concert. Lesdites danses sont en réalité tziganes plus que hongroises, ce qui fait que, comme les rhapsodies dites « hongroises » de Liszt, elles n’ont pas toujours eu bonne presse dans la patrie de Béla Bartók : il faut croire que leur statut de « tubes » symphoniques a fini par triompher de ces préventions. Toujours est‑il que dès les premières notes de la célébrissime Première danse hongroise, on est frappé par la beauté du son de l’orchestre, en particulier par le soyeux et l’homogénéité des cordes, en même temps qu’on est impressionné par le mélange de précision et de décontraction avec lequel Iván Fischer fait entonner la fameuse mélodie. Prise dans un tempo relativement lent, dans une vision déjà très symphonique, la pièce fait ressortir la variété et la qualité de ses timbres, tout en conservant son caractère dansant. De même, la Onzième Danse, moins spectaculaire mais peut‑être plus riche de substance, surtout dans l’habile orchestration d’Albert Parlow, offre un prélude intéressant à la seconde partie du programme.


Cette excellente impression initiale se confirme dans le Premier Concerto pour piano, dont la longue introduction orchestrale capte aussitôt l’attention. Prenant là aussi son temps et marquant la solennité du Maestoso, Iván Fischer laisse le son de l’orchestre s’épanouir et vibrer, privilégiant la définition de chaque pupitre et la beauté des courbes mélodiques, au détriment peut-être de la dramaturgie. Dès ses premières notes, le piano de Kirill Gerstein épouse cette conception : la sonorité en est sculptée avec précision, et se fait entendre sans difficulté au sein de la masse orchestrale. Néanmoins, cette entrée en matière semble un rien trop prudente, tandis que les doigts accrochent quelques‑uns des premiers traits. Ces scories disparaissent néanmoins rapidement à mesure que le dialogue s’installe entre l’orchestre et un soliste très attentif aux détails de la partition et en particulier à ses échanges avec des vents somptueux. Au retour du thème initial, Kirill Gerstein, dorénavant bien lancé dans le défi que représente ce concerto, déchaîne des foudres pianistiques impressionnantes. De façon plus accomplie qu’András Schiff la veille, le pianiste américain d’origine russe répond aux exigences physiques et artistiques de ce concerto à la fois symphonique et virtuose. Il sait se fondre dans l’orchestre, mais sans s’y perdre, et pour en mieux ressurgir dans les passages les plus éclatants de la partie soliste, comme le montrent les accords surpuissants avec lesquels il conclut le premier mouvement. Le choral vibrant que constitue l’Adagio central est lui aussi une grande réussite, mené par un piano qui prend le temps de chanter chaque note avant de s’animer sans emphase, offrant une coda suspendue d’une très grande beauté. Par un effet de contraste marquant, Gerstein attaque ensuite abruptement le Rondo, joué avec plus de dramaturgie et moins de bonhommie que souvent. Là encore, son piano sculptural s’y marie à merveille aux timbres capiteux de l’orchestre, pour mener à sa conclusion une danse finale jubilatoire, triomphant en particulier dans une cadence d’une seule coulée, apothéose d’une vision altière et opulente, qui n’est pas sans rappeler celle d’Emil Gilels et Eugen Jochum il y a cinquante ans.


Après bien des applaudissements, Gerstein choisit de se faire plaisir au moment du bis, avec une Valse opus 42 de Chopin peut‑être un peu hors sujet, prise à un tempo d’enfer et ultra‑virtuose. Sans doute a‑t‑il besoin de se détendre après l’austérité et la grandeur de sa prestation concertante.


Après l’entracte et la Onzième Danse hongroise, la Première Symphonie vient conclure en beauté ce concert brahmsien. Plus encore que dans la première partie, on savoure le grain particulier de l’orchestre, et l’on admire la relation fusionnelle tissée entre Iván Fischer et sa formation. C’est un cliché de dire que la formation suit le chef comme un seul homme, mais tel est effectivement le cas. Les échanges de regards sont à cet égard éloquents, de même que les réponses instantanées des musiciens aux sollicitations du chef, qui semble par instant actionner les tirants et les claviers d’un grand orgue pour mettre en valeur tour à tour chacun des pupitres. Le quatuor brille par exemple dans son chant à pleine voix du Un poco sostenuto introductif, avant de mener l’Allegro avec fièvre. De même, clarinette et hautbois solos font merveille au début de l’Andante sostenuto (l’un des sommets de la soirée), avant que ne débute un vibrant dialogue entre deux flûtistes surinvesties et le violon de haut vol du koncertmester Daniel Bard, qui conclut seul en développant sa douce cantilène. Transformée de la sorte en grand concerto pour orchestre, la symphonie ne s’éparpille que rarement dans les détails grâce à la vigilance de Fischer : après l’intermède bien assuré de l’Allegretto, le chef rend justice à toute la richesse thématique d’un dernier mouvement saturé de mélodies et de couleurs. Si le fameux thème des cors est superbement rendu, c’est l’ensemble de ce final, mené de main de maître, qui permet à l’orchestre de faire une dernière fois la démonstration de sa luxuriance et de sa maîtrise.


Honoré d’une standing ovation, l’Orchestre du Festival de Budapest fait au public lyonnais la même surprise qu’à celui de la Philharmonie de Paris. Après un curieux mouvement dans les rangs et une distribution de partitions, les musiciens déposent leurs instruments pour dévoiler un dernier aspect de leur affinité avec Brahms. Toujours sous la baguette fervente du maestro Fischer, ils entonnent le chœur « Es geht ein Wehen durch den Wald » avant‑dernier des sept Lieder de l’Opus 62, prouvant que non contents d’être des instrumentistes de premier ordre, ils sont aussi d’excellents chanteurs !


Le site de Kirill Gerstein
Le site de l’Orchestre du Festival de Budapest et d’Iván Fischer




François Anselmini

 

 

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