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Somptuosités orchestrales

Paris
Philharmonie
10/16/2024 -  et 17* octobre 2024
Antonín Dvorák : Polednice, opus 108, B. 196
Thierry Escaich : Concerto pour violoncelle n° 2 « Les Chants de l’aube »
Dimitri Chostakovitch : Symphonie n° 5 en ré mineur, opus 47

Gautier Capuçon (violoncelle)
Orchestre de Paris, Aziz Shokhakimov (direction)


A. Shokhakimov (© Mischa Blank)


Petr Popelka, chef principal de l’Orchestre symphonique de Vienne et directeur artistique de l’Orchestre symphonique de la Radio de Prague devait diriger l’Orchestre de Paris ce soir. Des soucis de santé l’en empêchant, il est remplacé par l’Ouzbek Aziz Shokhakimov, directeur musical du Philharmonique de Strasbourg et directeur artistique du Philharmonique de Tekfen en Turquie. Le remplacement au pied levé ne se perçoit pas tant la prestation est de qualité, comme lors de ce concert donné en 2019 où Aziz Shokhakimov, à la tête du Philharmonique de Radio France remplaçait déjà un chef souffrant.


Le concert débute par une partition méconnue d’Antonín Dvorák (1841‑1904), que l’Orchestre de Paris joue d’ailleurs pour la première fois, La Sorcière de midi (1896). Il s’agit d’un poème symphonique d’un quart d’heure inspiré par des vers de l’écrivain romantique tchèque Karel Jaromír Erben et dont l’atmosphère est assez bien résumée par le titre de l’œuvre, entre lumière et menace. La science orchestrale de Dvorák est à son meilleur comme le niveau de l’Orchestre de Paris. La félicité champêtre du début débouche sur des couleurs plus sombres et inquiétantes. Les cordes font alors place aux vents. Mystères, atmosphères lourdes et danses populaires se succèdent, mettant en valeur les différents pupitres de l’orchestre.


Le festival de couleurs se poursuit avec, en création française, le Deuxième Concerto pour violoncelle (2023), œuvre d’un peu moins d’une demi‑heure au titre schumannien, de Thierry Escaich (né en 1965). La patte du compositeur se reconnaît aisément avec ce ton volontiers véhément du violoncelle, ses contrastes violents, comme tiraillés entre lumières et ténèbres, et sa structure somme toute classique, notamment la fin martelée, peut‑être un peu banale et prévisible. Le violoncelle, ce soir dans les mains virtuoses de Gautier Capuçon, à l’origine de l’œuvre et y démontrant une nouvelle fois toute sa maîtrise instrumentale, de nombreuses techniques étant sollicitées, lutte pied à pied avec l’orchestre mais ne cède pas ; il est omniprésent. Ses pizzicatos sont prolongés par l’orchestre, dont la pâte, somptueuse, réserve de superbes moments solistes. Après La Sorcière de midi, le mystère, parfois religieux ici, ne manque pas non plus et il arrive que le temps soit comme suspendu, notamment avec les interventions des harpes et du célesta.


Naturellement, le compositeur vient saluer à plusieurs reprises le public en compagnie de Gautier Capuçon, fortement applaudi. S’ils disparaissent enfin du devant de la scène, c’est pour réapparaître, au fond, pour un curieux bis, Thierry Escaich s’emparant du piano et Gautier Capuçon s’installant un peu devant pour une transcription pour violoncelle et piano de l’air de Dalila « Mon cœur s’ouvre à ta voix » extrait de Samson et Dalila de Camille Saint‑Saëns. Gautier Capuçon se retourne souvent, semblant suivre avec inquiétude le piano volontiers lisztien et péremptoire de Thierry Escaich.


Après la pause, est proposée la Cinquième Symphonie (1937) de Dimitri Chostakovitch (1906‑1975). Ce n’est pas la meilleure ; l’œuvre se veut une « réponse d’un artiste soviétique à une juste critique » après le scandale provoqué par l’opéra Lady Macbeth de Mzensk et l’on sent bien que les marches du dernier mouvement, passablement martial, pompeux et tonitruant, ont été écrites pour contenter de façon outrancière, presque risible, le pouvoir stalinien. Mais ce n’est pas la plus mauvaise non plus.


La tension peine à s’installer dans le premier mouvement mais finit par prendre, l’Allegretto est presque primesautier nonobstant les moyens lourds mis en œuvre et c’est surtout la déploration du Largo qui impressionne, comme souvent chez le compositeur. Le premier violon invité Mohamed Hiber et la flûte de Vicens Prats contribuent grandement à sa réussite. Quelle classe ! L’Orchestre de Paris a certes déjà eu l’occasion d’interpréter à plusieurs reprises l’œuvre et tous les autres pupitres ont aussi leur part dans le succès. Mais il faut saluer en dehors des solistes précités, dans cette œuvre inégale, contrastée, entre sarcasmes, abattements et fanfaronnades, malgré tout flamboyante et incroyablement colorée, la maîtrise des masses orchestrales par l’encore jeune Aziz Shokhakimov (né en 1988). Rien n’est écrasé, même dans le final, et la force est là, sans nuire pour autant aux équilibres sonores et à l’intérêt. Non seulement le chef est chaleureusement applaudi par le public mais aussi par les musiciens. Un signe. On en conclut qu’il ne faudrait pas que les venues du chef à Paris pour des concerts symphoniques soient systématiquement liées à des remplacements.



Stéphane Guy

 

 

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