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Une hirondelle de charme

Metz
Opéra-Théâtre
10/04/2024 -  et 6* octobre 2024
Giacomo Puccini : La rondine
Gabrielle Philiponet (Magda de Civry), Louise Foor (Lisette), Thomas Bettinger (Ruggero Lastouc), Christian Collia (Prunier), Jean‑Luc Ballestra (Rambaldo), Apolline Hachler (Yvette, Georgette), Lucile Lou Gaier (Bianca, Gabriella), Adélaïde Mansart (Suzy, Lolette), Olivier Lagarde (Périchaud, Un majordome), Tadeusz Szczeblewski (Gobin), Nathanaël Kahn (Crébillon), Thomas Rœdiger (Rabonnier), Ballet de l’Opéra‑Théâtre de l’Eurométropole de Metz
Chœur de l’Opéra-Théâtre de l’Eurométropole de Metz, Nathalie Marmeuse (cheffe de chœur), Orchestre national de Metz Grand Est, Sergio Alapont (direction musicale)
Paul-Emile Fourny (mise en scène), Benito Leonori (décors), Giovanna Fiorentini (costumes), Patrick Méeüs (lumières), Graham Erhardt-Kotowich (chorégraphie)


(© Philippe Gisselbrecht)


Somme toute, La rondine, « comédie lyrique » créée à Monte‑Carlo en 1917, est l’ouvrage de Puccini que personne ne connaît. Au même rayon des oubliés, Le Villi et Edgar ont aussi leur place, mais ce sont des essais de jeunesse, alors que La rondine est l’œuvre d’un compositeur mûr, qui connaît son métier à la perfection. Mais sans doute y a‑t‑il trop d’autres titres de Puccini à représenter prioritairement, et il faut bien le prétexte d’une année de célébration, en l’occurrence celle du centenaire de la disparition du compositeur de La Bohème, pour que cette si jolie Rondine puisse enfin attirer l’attention.


En 1913, Puccini avait été sollicité par le Carltheater de Vienne en vue d’écrire... une opérette ! Drôle de suggestion, mais qui s’accompagnait d’un contrat financièrement avantageux. Donc voilà Puccini embarqué dans ce curieux projet d’histoire à la fois sentimentale et légère, dans lequel il s’est vite senti peu à l’aise, de nombreux remaniements ayant ensuite infléchi l’ensemble vers un résultat bien davantage puccinien que viennois, même si effectivement, à la même époque, l’opérette viennoise commençait elle aussi à s’intéresser à des sujets plus mélancoliques. De toute façon, même quand il empiète sur les terres d’un Lehár (lequel n’a pas manqué de lui rendre la politesse), Puccini reste fidèle à ses ressorts dramatiques et sentimentaux habituels, et c’est bien pour cela que cette Rondine s’écoute encore aujourd’hui avec autant de plaisir. Le compositeur y donne souvent l’impression de s’auto‑pasticher, mais avec un tel talent qu’on ne résiste guère, ni à une écriture mélodique délicieusement suave, ni à de remarquables ensembles, en particulier au cours d’un deuxième acte très réussi (à deux décennies de distance, toutes les recettes du Café Momus de La Bohème s’y retrouvent, transposées cette fois au Bal Bullier, mais avec non moins de savoir‑faire).


Livret que l’on peut juger convenu : sous le Second Empire, une demi‑mondaine rêve tout à coup d’un amour véritable, occasion qui se présente effectivement lors d’une escapade incognito dans un haut lieu de la vie nocturne parisienne. L’affaire sentimentale paraît sérieuse, coup de foudre pour un jeune premier de bonne famille, tout fraîchement débarqué de sa province. Mais notre hirondelle ne se laisse pas si facilement apprivoiser, et plutôt qu’une vie d’épouse et mère de famille respectable, qu’elle estime de toute façon ne pas mériter, vu son passé, elle juge plus prudent de rompre, et s’envoler à nouveau vers la légèreté de son existence antérieure. Une histoire douce‑amère, à traiter avec juste ce qu’il faut d’émotion, et surtout beaucoup d’élégance, ce que réussit particulièrement bien la mise en scène de Paul‑Emile Fourny, production conçue en Italie l’année dernière pour les théâtres de Jesi et Pise et qui arrive à présent à Metz, confiée à une distribution différente.


Deux représentations seulement dans chacun des théâtres coproducteurs, ce qui n’est pas beaucoup pour un travail aussi approfondi et abouti. On peut y apprécier une scénographie inventive, qui parvient à unifier les trois lieux très différents de l’action grâce à un peu de théâtre dans le théâtre, l’expédient restant exploité sans trop d’insistance : quelques loges vétustes de part et d’autre du plateau, au centre un grand rideau rouge, qui s’effondre d’un coup pour révéler le salon de Magda au I, et qui retombera doucement à la fin du III, refermé par Rambaldo, seul personnage vraiment cynique de l’histoire. Mais surtout cette idée de scène sur deux niveaux est concrétisée avec beaucoup de talent par le décorateur italien Benito Leonori, avec de beaux arrière‑plans, en particulier au II, jeu d’arcades et de toiles peintes conférant au plateau une superbe profondeur. Avec l’appoint visuel des costumes de Giovanna Fiorentini, toujours remarquables d’élégance, on s’approche d’un sans‑faute, à l’exception des effets de plage du III, qui gardent une fâcheuse allure de dunes en carton‑pâte. Mais on sait, ou du moins on devrait savoir, qu’accumuler en grande quantité du vrai sable sur une scène nuit toujours à la projection des voix, donc tant pis pour le réalisme, et acceptons un peu de convention, dans cette mise en scène où par ailleurs le maître d’œuvre parvient justement, avec beaucoup de doigté et de sensibilité, à obtenir de sa distribution énormément de sincérité et de naturel.


Affiche non moins compétente vocalement, même si Gabrielle Philiponet met un peu de temps à s’échauffer et à trouver l’onctuosité de timbre et l’élégance de ligne requises. « Chi il bel sogno di Doretta » paraît un rien timide, mais à partir du II, tout se met très joliment en place. Peut‑être en discrète méforme, Thomas Bettinger a parfois des difficultés à ennoblir ses aigus, certains effets de détimbrage tournant court, mais son personnage, à la fois un peu naïf et quand même bien campé dans ses attitudes, est très justement incarné. A noter qu’ici on ne lui demande pas de chanter l’air « Parigi è la città dei desideri », souvent interpolé, mais qui provient d’une version plus tardive. Très bons seconds plans, à commencer par les excellents Prunier de Christian Collia et Lisette de Louise Foor, cette dernière idéale dans son rôle de soubrette, avec non seulement juste ce qu’il faut d’impertinence, mais aussi une très prometteuse voix de soprano lyrique. Et enfin, remarquable tenue de l’Orchestre national de Metz Grand Est, sous la direction à la fois souple et précise de Sergio Alapont. Donc une très convaincante réunion de talents, pour défendre la cause de La rondine avec un maximum d’efficacité.



Laurent Barthel

 

 

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