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La belle rencontre de Puccini et Carsen Gent De Vlaamse Opera 05/25/2002 - et 3, 5, 8, 11, 14, 17 (Antwerpen), 28, 31 mai, 2, 5* juin (Gent) 2002 Giacomo Puccini: La fanciulla del West Stephanie Friede*/Kathleen Broderick (Minnie), Carl Tanner (Dick Johnson, Ramerrez), Phillip Joll (Jack Rance), Werner Van Mechelen (Sonora), Anthony Mee (Nick), Dean Ely (Ashby), Frans Fiselier (Jake Wallace), Corinne Romijn (Wowkle), Henk van Heijnsbergen (Billy Jackrabbit), Marc Claesen (José Castro), Jan Carpentier (Larkens), Vesselin Ivanov (un Postiglione), Gregory MacLeod (Trin), Rob Boden (Sid), Miguel Torres (Bello), Hugo Vanheertum (Harry), Jaap Hoekstra (Joe), Patrick Cromheeke (Happy) Robert Carsen (mise en scène), Paul Steinberg (décors et Costumes), Ian Burton (dramaturgie), Robert Carsen et Peter Van Praet (lumières)
Koor van de Vlaamse Opera, Peter Burian (chef de chœur), Symfonisch Orkest van de Vlaamse Opera, Silvio Varviso (direction musicale)
Le cycle Puccini de l’Opéra des Flandres aura véritablement marqué l’histoire de cette maison d’opéras et contribué à confirmer Robert Carsen comme l’un des plus grands metteurs en scène de notre époque. De toutes les productions de ce cycle qui ont chacune été une réussite éclatante, nous avons un petit faible pour cette Fanciulla del West crée en 1996 et qui est reprise aujourd’hui. D’abord parce que l’œuvre est rarement représentée, ce qui est dommage mais compréhensible vu la difficulté du rôle-titre qui a certainement abrégé la carrière de nombreuses cantatrices osant l’interpréter (Carol Neblett ou Barbara Daniels avaient le physique mais pas la voix d’un rôle aussi exigeant dans tous les registres).
C’est aussi parce qu’avec celle du Trittico (que nous reverrons la saison prochaine), il s’agit de celle où l’intelligence dramatique de Carsen est à son apogée, sa créativité sans limite rencontrant une partition qui semble avoir été pensée dans une même direction. Décrire cette production est une mission presque impossible, les mots semblant vains comparés à l’expérience émotionnelle vécue en y assistant !
L’idée de Carsen est de relier l’œuvre aux riches heures cinématographiques du western : ces nombreux films en noir et blanc avec leurs conventions, leur code bien ancrés dans les années 1950. Les quelques mesures d’ouverture semblent avoir été composées pour cette mise en scène : un groupe d’hommes en fin de projection d’un western où l’on reconnaît Henry Fonda. Lorsque la lumière revient, les spectateurs encore sous l’impact du film reprennent chapeaux et revolvers et passent petit à petit de la réalité à l’illusion ; spectateurs, ils sont prêts à devenir les acteurs et les fauteuils du cinéma deviennent alors ceux du saloon. A partir de cette idée, Carsen jonglera habilement avec cette question des allers et retours entre rêve et réalité, aidé dans sa tâche par les trois décors fascinants de Paul Steinberg : une plaine de Far West en Cinémascope et Technicolor pour le premier acte ; un format plus étroit et oppressant en noir et blanc pour la cabane du deuxième (faisant ressortir d’autant plus le rouge du sang sur le mur du fond venant de la blessure de Dick Johnson, effet particulièrement saisissant) ; enfin et surtout, pour le difficile dernier acte, la façade du cinéma qui met à l’affiche The Girl of the Golden West, l’apparition de Minnie en star hollywoodienne pour sauver Johnson donnant le frisson tant l’image est belle et émouvante. L’opéra se termine tout logiquement et naturellement par le retour des hommes faisant la queue à la caisse pour voir ce film auquel ils ont participé…et un nouveau cycle peut recommencer. Superbe moment de théâtre et de musique. Robert Carsen est revenu lui-même assurer cette reprise y apportant quelques modifications et signant désormais les éclairages en collaboration avec Peter Van Praet, tout comme il l’avait fait pour La Petite Renarde rusée la saison dernière et qu’il le fera ces prochains jours pour Rusalka à l’Opéra-Bastille.
Sur le plan musical, les satisfactions viennent en premier lieu d’une prestation inouïe d’un chœur (uniquement masculin) complètement habité par la mise en scène et chantant avec une très belle homogénéité, d’un orchestre en grande forme dirigé par Silvio Varviso qui s’impose comme un chef puccinien de premier ordre, faisant ressortir les plus belles sonorités de l’œuvre et veillant avec un grand soin à protéger les chanteurs d’une orchestration qui pourrait leur être problématique.
Les interprètes sont aussi remarquables, à commencer par ces seconds rôles si importants dans cette œuvre, d’Anthony Mee, attachant et percutant Nick, Dean Ely, solide Ashby, Werner Van Mechelen, toujours aussi efficace en Sonora, sans parler du luxe de la Wowkle à la voix somptueuse de Corinne Romijn. Nous retrouvons avec émotion et tendresse, Stephanie Friede, déjà Minnie en 1996, qui n’a rien perdu en aisance vocale dans ce rôle impossible, en particulier au deuxième acte, maîtrisé aussi bien musicalement que dramatiquement, alternant des moments de lyrisme où la rondeur de la voix fait merveille et les éclats dramatiques où les aigus sont attaqués avec une franchise et une largeur rares. Pour les trois dernières représentations, elle laissait la place à Kathleen Broderick (Turandot remarquée ici-même en 1998), plus glamour, moins habituée évidemment de cette mise en scène et tout aussi solide vocalement, même si son grave semble émis avec artifice. Deux interprètes différentes mais qui assument chacune les difficultés du rôle. Carl Tanner, Faust dans le Mefistofele en concert il y a deux ans, s’impose lui aussi en Dick Johnson (Ramerrez) avec un registre aigu particulièrement impressionnant, une belle ligne de chant, évitant de hurler (qualité trop rare actuellement chez les ténors dans ce répertoire pour ne pas être signalée) et acteur convaincu. Enfin, Phillip Joll, en dépit d’une émission trop trémulante (qui pourrait être plus préjudiciable dans un autre rôle ou répertoire), est un acteur exceptionnel qui permet à Jack Rance d’échapper à la caricature.
Une production inoubliable qu’on aimerait pouvoir revoir.
Christophe Vetter
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