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Une bataille rondement menée Parma Teatro Regio 09/29/2024 - et 4*, 20 octobre 2024 Giuseppe Verdi : La battaglia di Legnano Riccardo Fassi (Federico Barbarossa), Marina Rebeka (Lida), Antonio Poli (Arrigo), Vladimir Stoyanov (Rolando), Alessio Verna (Marcovaldo), Emil Abdullaiev (Il Podestà di Como, Il Console di Milano), Bo Yang (Il Console), Arlene Miatto Albeldas (Imelda), Anzor Pilia/Francesco Pittari* (Uno scudiero di Arrigo, Un araldo)
Coro del Teatro Comunale di Bologna, Gea Garatti Ansini (préparation), Orchestra del Teatro Comunale di Bologna, Diego Ceretta (direction musicale)
Valentina Carrasco (mise en scène), Margherita Palli (décors), Silvia Aymonino (costumes), Marco Filibeck (lumières)
(© Roberto Ricci)
L’édition 2024 du Festival Verdi de Parme propose une rareté, La Bataille de Legnano. Créé à Rome en 1849 avec un immense succès, l’ouvrage se situe chronologiquement entre Le Corsaire et Luisa Miller, durant les fameuses « années de galère » ayant précédé la trilogie populaire (Rigoletto, Le Trouvère et La Traviata) qui a définitivement consacré le génie du compositeur. La Bataille de Legnano, c’est du Verdi pur sucre avec la flamme, l’ardeur, la passion et le patriotisme si caractéristiques du musicien italien. Pour écrire son opéra, Verdi s’est inspiré de la bataille de Legnano, qui a eu lieu le 29 mai 1176. Afin de vaincre l’empereur allemand, les communes de Lombardie ont uni leurs forces dans une ligue qui s’est révélée victorieuse. Cet épisode historique est bien évidemment à mettre en parallèle avec la situation politique de 1849, qui voit naître la révolte de la Lombardie contre l’occupant autrichien mais aussi le sentiment national italien, qui aboutira au Risorgimento et à l’unification du pays. D’ailleurs, les premiers mots de La Bataille de Legnano ne sont‑ils pas « iva Italia », sans parler du serment de l’acte III « Giuriam d’Italia por fine ai danni » (« D’Italie, nous jurons de mettre fin à nos malheurs »). Les musicologues ont compté que l’Italie est mentionnée pas moins de trente fois dans le livret. C’est justement pour cette raison que La Bataille de Legnano occupe une place à part dans l’œuvre de Verdi, car l’ouvrage est très étroitement lié aux événements politiques de son époque et exalte tout particulièrement le sentiment patriotique. Encore plus que Nabucco, qui est pourtant si souvent cité en exemple.
Et c’est peut‑être aussi pour cette même raison que l’œuvre est si rarement jouée, parce qu’elle est liée à un contexte très (trop ?) spécifique, quand bien même la grande histoire offre une toile de fond à des passions individuelles universelles. Arrigo, qu’on croyait mort au combat, n’a été que blessé. Il découvre que Lida, qu’il a aimée autrefois, a épousé Rolando, son meilleur ami. Or ce dernier intercepte une lettre adressée par sa femme à Arrigo. Fou de jalousie, il décide de se venger en empêchant Arrigo de rejoindre le combat et en le faisant ainsi passer pour un lâche. Arrigo réussit à s’échapper pour mourir en héros juste avant d’avoir pu témoigner de la loyauté de Lida pour son mari. L’ouvrage contient des airs, des duos et des trios magnifiques. Même si la musique n’a peut‑être pas la force et l’ampleur des opéras de la maturité de Verdi, il ne reste plus qu’à espérer qu’il parviendra malgré tout à trouver sa place au répertoire des théâtres lyriques.
Dans ses notes de mise en scène rédigées dans le programme de salle, Valentina Carrasco explique que « le cheval fut, jusqu’au XXe siècle, l’animal le plus étroitement lié à l’Homme, au point qu’il a accompagné les soldats dans la mort pendant les guerres. Nous imaginons les champs de bataille comme un amas de soldats morts ou de blessés qu’il faut soigner, mais on oublie (ou ignore) que ces champs sont aussi jonchés de chevaux morts ou blessés dont personne ne se soucie. » Le plateau est ainsi transformé en champ de bataille sombre et enveloppé de brume, sur le devant duquel sont allongés des chevaux morts, dont un est décapité et maculé de sang. Des chevaux de bois grandeur nature, debout cette fois, parsèment également la scène. En outre, un grand écran à l’arrière du plateau projette des reproductions de tableaux célèbres représentant des chevaux durant des batailles. On l’aura compris, la metteur en scène a cherché à raconter l’horreur des conflits à travers la souffrance des animaux, un point de vue original certes, mais plutôt anecdotique.
A la tête de l’Orchestre du Teatro Comunale de Bologne, le jeune chef Diego Ceretta offre une lecture énergique et dynamique de la partition, une lecture qui en rend toute l’ardeur et la flamme, et qui sait se parer aussi de moments de grande intensité. Et tout au long de la soirée, le maestro est très attentif aux chanteurs. Les rôles principaux sont confiés à quatre excellents interprètes, qui rendent parfaitement justice à la musique passionnée de Verdi. En Rolando, mari jaloux, le baryton Vladimir Stoyanov impressionne par son legato, son sens du phrasé et son chant élégant et sobre. Quand bien même la ligne vocale de Lida paraît un peu aiguë pour elle, ce qui lui vaut quelques stridences, Marina Rebeka séduit par son timbre rond et souple, son art des nuances, son phrasé exemplaire, ses vocalises virtuoses ainsi que par son engagement dans son personnage de femme forte et volontaire. Moins connu que ses deux partenaires, le jeune ténor Antonio Poli est la révélation de la soirée, avec son timbre rayonnant aux accents vigoureux et son énergie scénique. La voix grave et caverneuse de Riccardo Fassi est idéale pour traduire l’autorité et la morgue de l’ennemi, Barberousse. Les rôles secondaires sont tous excellents, de même que le Chœur du Teatro Comunale de Bologne. Un spectacle idéal pour réhabiliter un opéra injustement négligé.
Claudio Poloni
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