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Trop rares "Planètes"

Paris
Salle Pleyel
06/07/2002 -  
Wolfgang Amadeus Mozart : Concerto pour trois pianos, K. 242
Percy Grainger : The Warriors (création française)
Gustav Holst : The Planets, op. 32
Colin Matthews : Pluto

Catherine Cournot, Claire Désert, Emmanuel Strosser (pianos), Maîtrise de Radio France, Toni Ramon (chef de chœur), Orchestre philharmonique de Radio France, Yutaka Sado (direction)


Inexplicablement, Les Planètes (1913-1917) de Gustav Holst, « tube » s’il en est dans les pays anglo-saxons, n’apparaissent qu’exceptionnellement à l’affiche des concerts français. Radio France faisait donc, une fois de plus, œuvre utile, d’autant qu’elle offrait huit planètes au lieu des sept traditionnelles, avec la présentation, sans doute en création française, de Pluton - une pièce composée il y a deux ans par Colin Matthews (né en 1943) - la planète éponyme n’ayant été découverte qu’en 1930, c’est-à-dire après l’achèvement de la Suite de Holst.


Yutaka Sado et l’Orchestre philharmonique de Radio France proposent une version aux tempi généralement plus lents que la moyenne. De ce fait, le fameux rythme de Mars est lourdement scandé, notamment dans une conclusion extrêmement appuyée, tandis que Vénus est langoureuse et opulente à souhait. Le redoutable Mercure est bien en place, tandis que la partie vive contraste très fortement, dans Jupiter, avec l’hymne central, somptueux et même pesant. C’est sans doute, avec Uranus, le morceau qui ressort le mieux de cette interprétation. Ceci étant, dans Saturne, la construction du discours est soigneusement travaillée, tandis que l’on apprécie pour Neptune la plus-value apportée par le concert à une musique si délicatement ouvragée ainsi que l’intervention de la Maîtrise de Radio France, en lieu et place du chœur de femmes prévu par la partition.


Colin Matthews a explicitement destiné son Pluton à constituer une conclusion des Planètes de Holst. Sa pièce s’enchaîne d’ailleurs directement à Neptune, ce qui nous prive de cette belle trouvaille qui tient habituellement lieu d’épilogue, lorsque les voix s’éteignent jusqu’au silence. On sait heureusement que la présomption n’est pas le défaut le plus répandu au Royaume Uni, car Matthews courait de grands risques en se lançant dans une telle entreprise. Mais cette adjonction, si elle marque clairement une rupture stylistique (rejetant fort heureusement l’exercice « à la manière de… »), parvient à conserver l’esprit ludique et coloré des pièces qui précèdent.


Pour compléter son enregistrement des Planètes réalisé voici huit ans pour Deutsche Gramophon, John Eliot Gardiner avait exhumé une partition exactement contemporaine de Percy Grainger, The Warriors. Dédiée à Delius, cette musique hors normes, comme celle d’un Langgaard à la même époque, conçue à l’origine pour un ballet qui ne vit finalement pas le jour, est écrite pour trois pianos et un orchestre gigantesque, comprenant neuf percussionnistes, avec une prédilection pour les instruments métalliques. Résolument composite, elle évoque tour à tour Elgar, le post-romantisme d’Europe centrale, Ives et l’atmosphère iconoclaste des années 1920. Somme toute, à peu de choses près, les mêmes ingrédients que Holst, mais auxquels il manquerait le souci d’en faire une synthèse personnelle. Sado et ses trois pianistes - Catherine Cournot, Claire Désert, Emmanuel Strosser (ces deux derniers amenés à intervenir, de façon assez spectaculaire, directement sur les cordes avec des baguettes recouvertes de feutre, à la manière d’un cymbalum) - déploient l’énergie et la passion qu’appelle cette partition hors normes, accueillie avec enthousiasme par le public.


On comprend aisément qu’il ait été jugé opportun de profiter de la rare présence de trois pianistes pour proposer, en début de concert, le Concerto pour trois pianos de Mozart. L’initiative, louable, laisse toutefois perplexe, car les solistes développent un discours lisse, à la limite de la froideur et de la dureté, face à un Sado qui, en revanche, conduit l’orchestre - réduit à faire de la figuration en dehors des tutti - avec plus d’élan et de grâce.




Simon Corley

 

 

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