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Histoires d’eaux (et de cloches)

Toulouse
Couvent des Jacobins (Cloître)
09/06/2024 -  et 13 (Saint-Germain-au-Mont-d’Or), 19 (Riom) juin, 2 juillet (Cagnes‑sur‑Mer) 2024
Camille Saint-Saëns : Etudes, opus  111 : 4. « Les Cloches de Las Palmas » – Souvenir d’Italie, opus 80
Gabriel Fauré : Ballade, opus 19
Franz Liszt : Années de pèlerinage (Troisième Année : Italie), S. 163 : 4. « Les Jeux d’eaux à la Villa d’Este » – Deux Légendes, S. 175 : 2. « Saint François de Paule marchant sur les flots »
Maurice Ravel : Jeux d’eau – Miroirs

Philippe Bianconi (piano)


P. Bianconi (© Lyodoh Kaneko)


Piano aux Jacobins varie les affiches : première apparition, la veille, pour Rachel Breen, tandis que Philippe Bianconi y est régulièrement invité depuis quinze ans. Quand le pianiste français, smoking et nœud papillon noirs impeccables, entre en scène aux Jacobins, s’impose immédiatement le sentiment qu’après la cuisine créative du récital de la jeune Américaine, on va en revenir aux fondamentaux d’un chef trois étoiles de l’ancienne école, avec un menu copieux mais pas indigeste, minutieusement exécuté, servi avec le sourire et la tranquille assurance de ceux qui ont l’habitude de faire plaisir à leurs convives.


La météo, dans le cloître où l’averse ruisselle, est plutôt à « Jardins sous la pluie », mais si le programme commence avec « Les Cloches de Las Palmas », quatrième des Six Etudes de l’Opus 111 (1899) de Saint‑Saëns, Bianconi l’aborde quasiment comme un Prélude de Debussy, avec une splendide autonomie des différents plans sonores. Sonorité sera tout au long un des maîtres mots de sa prestation, avec le soin qu’il y porte à chaque instant : une richesse, une plénitude qui ne laissent pas de susciter l’émerveillement. Il y a chez lui une virtuosité jubilatoire mais qui ne se grise pas d’elle‑même et ne tourne jamais à la démonstration, même dans ce rare Souvenir d’Italie (1887), page plus pittoresque qu’inspirée qu’il ferait presque passer pour un chef‑d’œuvre.


Et ensuite, quelle magnifique Ballade (1879) de Fauré, qui se déroule avec une fluidité et un naturel admirables, élégante sans fadeur, maîtrisée sans raideur, subtile mais pas évaporée ! Derrière les trilles et arpèges impeccables des « Jeux d’eaux à la Villa d’Este » extraits de la Troisième Année de pèlerinage (1877) de Liszt, il y a bien plus important : le chant, et pour ce qui est de chanter, ce piano ne cesse de chanter. Evoquant encore l’élément liquide, « Saint François de Paule marchant sur les flots » (1863) impressionne par sa puissance symphonique mais aussi par son sens de la construction et de la description, sans jamais tomber dans le décoratif.


Au bénéfice d’à peine 5 minutes d’une pause nécessaire au moins autant pour les spectateurs – des connaisseurs, qui applaudissent au bon moment – que pour l’interprète, on se dit que Philippe Bianconi est un musicien bien trop discret mais on se félicite qu’un éditeur tel que La dolce volta lui ait permis d’enregistrer Chopin, Schumann, Debussy (Préludes et Etudes) et, encore tout récemment, une intégrale Ravel. Suivant un premier temps où figuraient trois compositeurs qu’il admirait, le second temps du programme lui est exclusivement consacré, avec d’abord Jeux d’eau (1901), qu’il dédia à Fauré. Après le chatoiement ininterrompu de ce miroir de la pièce lisztienne, viennent justement les Miroirs (1905) : aux « Noctuelles » exubérantes et aux « Oiseaux tristes », dont le caractère lancinant semble ici déjà annoncer « Scarbo », succède « Une barque sur l’océan », somptueux retour à l’élément liquide. L’« Alborada del gracioso », pourtant simplement marqué « Assez vif », paraît en revanche un peu bousculé. Avec « La Vallée des cloches », en écho lointain à celles de Saint‑Saëns qui avaient ouvert la soirée, la boucle est bouclée, sur une nouvelle démonstration de la manière de faire sonner un Steinway.


Pas moins de deux bis tout sauf anecdotiques viennent couronner un récital pourtant déjà long et techniquement exigeant : l’Animé qui conclut la Sonatine (1905) de Ravel et une pièce dont celui‑ci, comme le rappelle Bianconi, admirait la « mystérieuse apothéose », la Barcarolle (1846) de Chopin – après Saint‑Saëns et Liszt, encore un souvenir (rêvé) de l’Italie.


Le site de Philippe Bianconi



Simon Corley

 

 

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