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Feu d’artifice vocal

Gstaad
Tente du festival
08/23/2024 -  et 25 (Baden-Baden), 29 (Aarhus) août 2024
Richard Wagner : Parsifal : Prélude & « Enchantement du Vendredi Saint » – Tristan und Isolde : Acte II
Camilla Nylund (Isolde), Jonas Kaufmann*/Andreas Schager (Tristan), Sasha Cooke (Brangäne), Christof Fischesser (König Marke), Todd Boyce (Melot, Kurwenal)
Gstaad Festival Orchestra, Mark Elder (direction musicale)




L’édition 2024 du Festival Menuhin de Gstaad, qui a débuté le 12 juillet, se terminera le 31 août. Selon la tradition, les concerts des premières semaines font la part belle à la musique de chambre dans les nombreuses petites églises de la région, de splendides écrins architecturaux qui permettent au public une grande proximité avec les artistes. Les derniers jours de la manifestation sont, eux, dévolus aux concerts symphoniques, qui se déroulent sous une tente de 1 800 places se dressant depuis plus de vingt ans derrière le centre sportif de Gstaad. Quelques jours avant l’ouverture du Festival, une annonce a retenu l’attention de tous les mélomanes : Christoph Müller, l’actuel directeur artistique, cédera sa place à Daniel Hope en 2026. Le violoniste britannique s’est imposé comme le candidat naturel. Fils d’Eléonore Hope, qui a été la secrétaire de Yehudi Menuhin pendant de longues années, il a passé son enfance aux côtés du légendaire violoniste, notamment à Gstaad, où le musicien possédait un chalet et avait fondé son festival, en 1957. L’édition 2026 sera donc la soixante‑dixième depuis la création de la manifestation et, pour son entrée en fonction, Daniel Hope ne devrait pas manquer de la faire briller d’un éclat tout particulier.



C. Nylund, J. Kaufmann, M. Elder (© Raphaël Faux)


Cette année, l’un des moments forts du Festival Menuhin aura été sans conteste le deuxième acte de Tristan et Isolde proposé en version semi‑scénique, avec Jonas Kaufmann dans le rôle de Tristan. Le célèbre ténor est apparu en splendide forme vocale ; cela faisait longtemps qu’il n’avait plus chanté avec autant d’énergie et de conviction. Il faut dire que son timbre assez sombre le prédestine davantage à Wagner – où le registre est plutôt central – qu’à l’opéra italien et à ses enfilades d’aigus. Jonas Kaufmann a abordé le rôle de Tristan relativement tard, en 2018, en s’essayant d’abord au deuxième acte en concert aux Etats‑Unis. En 2021, en plein covid, il a fait sa prise de rôle scénique à Munich, mais pour un tout petit nombre de spectateurs, restrictions sanitaires obligent. Trois ans plus tard, il remet le personnage sur le métier à Gstaad, et le résultat est un succès, grâce notamment à la puissance retrouvée de sa voix, à ses accents véhéments et passionnés ainsi qu’à son magnifique legato. En coulisses, le chanteur a laissé entendre qu’il se sentait prêt désormais à affronter une nouvelle fois le rôle sur scène, idéalement accompagné par Kirill Petrenko. Il ne reste plus qu’à espérer que ce souhait se concrétisera très vite.


Camilla Nylund prête sa voix à Isolde, une voix d’essence lyrique, qui manque peut-être de corps pour l’héroïne, avec des aigus parfois tendus, mais globalement la prestation est impressionnante, la soprano incarnant une Isolde confondante de précision et d’endurance, une Isolde intense tout à la fois forte et fragile. La révélation de la soirée est la Brangäne de Sasha Cooke, qui éblouit par sa voix puissante et extrêmement bien projetée, laquelle n’a aucune peine à remplir tout l’espace même lorsqu’elle est placée en arrière‑scène. Christof Fischesser est un roi Marke particulièrement émouvant lorsqu’il chante sa douleur et son incompréhension devant la trahison de Tristan. Todd Boyce incarne un Melot solide et efficace, qui portera le coup fatal à Tristan, interrompant ainsi le long duo d’amour. Un duo qui est de toute beauté, mais qui n’émeut jamais véritablement, car il y manque l’angoisse et la tension qui devraient le caractériser. La faute peut-être au chef Mark Elder, qui, à la tête d’un Orchestre du Festival de Gstaad composé essentiellement de très jeunes musiciens (la formation a subi une importante rotation cette année), livre une interprétation raffinée mais un peu trop monochrome du deuxième acte de la partition de Wagner, sans beaucoup de contrastes. De surcroît, les instrumentistes, placés juste derrière les chanteurs, couvrent parfois ces derniers, mais il faut dire que l’acoustique de la tente n’est de loin pas idéale. Malgré ces quelques bémols et la frustration de n’entendre qu’une partie de l’opéra de Wagner, la soirée restera dans les mémoires, essentiellement pour son feu d’artifice vocal.



Claudio Poloni

 

 

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