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Quatre mariages et un enterrement

Bruniquel
Châteaux
08/01/2024 -  et 2, 3, 4, 7, 8, 9, 10, 11* août 2024
Jacques Offenbach : Le Château à Toto
Aude Fabre (Hector de la Roche-Trompette), Aurélie Fargues (Catherine), Xavier Mauconduit (Pitou), Frank T’Hézan (Le baron de Crécy-Crécy), Margot Fillol (Jeanne de Crécy-Crécy), Michel Vaissière (Maître Massepain), Morgane Bertrand (Blanche Taupier), Dominique Desmons (Raoul de La Pépinière), Till Fechner (Le vieux serviteur), Jeanne‑Marie Levy (Niquette)
Ensemble orchestral du Festival des châteaux de Bruniquel : Leslie Richmond, Fernando Uheara (flûte), Eléonore Courtillon (hautbois), Guillaume Teruel, Flavio Lodi (clarinette), Yannick Fromentin (basson), David Vau (cor), Didier Cavalli (trompe de chasse), Orphée Rebeyrol, Laurent Bernardi (cornet), Damien Vimeney (trombone), Kumiko Wada (violon), Felix Kail (contrebasse), Yoshiko Moriai (clavier, chef de chant), Jeanne‑Marie Levy, Till Fechner (chefs des chœurs), Jean‑Christophe Keck (direction musicale)
Frank T’Hézan (adaptation et mise en scène), Thibaut et César T’Hézan (assistants à la mise en scène), Guillaume Attwood (costumes), André Furlani (chorégraphie), Richard Ascargorta (éclairages), Jean Bonnemort et al. (décors et accessoires)




Parvenu à sa vingt‑huitième édition, le Festival des châteaux de Bruniquel, consacré à Offenbach depuis ses débuts, ne peut programmer tous les ans des ouvrages du répertoire tels que La Grande‑Duchesse de Gérolstein, La Vie parisienne, La Belle Hélène, Orphée aux Enfers, La Périchole ou même Barbe‑Bleue. De fait, grâce notamment à la présence d’un directeur musical, Jean‑Christophe Keck, qui a voué sa vie au compositeur, on a pu voir sur les hauteurs du site médiéval des pièces beaucoup moins connues, et ce dès la première année avec Croquefer, suivi de Mademoiselle Moucheron, Il signor Fagotto, Mesdames de la Halle, L’Ile de Tulipatan, Geneviève de Brabant et La Princesse de Trébizonde.


Le Château à Toto (1868), opéra bouffe en trois actes, appartient indéniablement à cette seconde catégorie, même s’il y a déjà été monté en 2008. La partition, écrite entre La Grande‑Duchesse et La Périchole, n’est pas de celles qui regorge de tubes, mais la bourrée finale du deuxième acte et l’air du facteur rural au troisième ont tout pour le devenir. Même si ce n’est sans doute pas le plus abouti et le plus riche en bons mots – « pure et Crécy », répété à l’envi, c’est un peu court – parmi les innombrables livrets de Meilhac et Halévy, l’inusable tandem cultive une veine caustique dans l’image qu’il donne de l’aristocratie : soit fauchée – le comte Hector de la Roche-Trompette, dit Toto (rôle travesti), gobichonneur réduit à vendre son château après avoir dilapidé sa fortune à Paris –, soit factice, avec ces personnages passablement louches qui se prétendent « marquis de La Pépinière » ou « vicomtesse de La Farandole », soit ressassant, comme le baron de Crécy‑Crécy, une absurde rivalité millénaire. Un point commun fédère ces différents types de noblesse : un goût prononcé pour la bagatelle, partagé avec le notaire Massepain. Ces figures grotesques n’en contrastent que davantage avec le solide bon sens des paysans Pitou, Catherine ou Niquette, auxquels est prêté un plaisant accent complété par quelques tournures occitanes. A la fin, l’antique querelle opposant les Crécy‑Crécy aux La Roche-Trompette est enterrée et tout se conclut par quatre mariages – pas moins.


Quelle que soit l’œuvre à l’affiche, le public demeure fidèle car il connaît les atouts de la « marque » Bruniquel : les agréments d’un plein air estival idéal quand la brise souffle sur les hauteurs dominant l’Aveyron avec un coucher de soleil cinématographique venant conclure une journée où le thermomètre a approché 40 degrés ; un formidable esprit de troupe, au sens très large, car au‑delà de l’engagement de la famille T’Hézan, c’est tout un village, jeunes comme anciens, qui s’implique ; une ambiance bon enfant, dès avant la représentation avec saucisses et frites ad libitum, jusqu’à un after à nul autre pareil, les fameuses « tables d’hôtes » pendant lesquelles la dégustation de produits locaux solides et liquides est accompagnée d’airs et chansons offerts par les protagonistes du spectacle, avec mention spéciale pour l’impayable Dominique Desmons et son bouquet de chansons cocasses souvent portées sur la gaudriole.



F. T’Hézan, A. Fabre (© Joëlle Faure)


Tout cela serait néanmoins insuffisant si la qualité n’était pas au rendez‑vous : de ce point, le millésime 2024 reste conforme aux standards du festival. Dans le cadre même d’un château, les décors tirent pleinement parti du lieu et les trouvailles ne manquent pas, comme cet effet réussi des tableaux des ancêtres dont les personnages se mettent en mouvement. La mise en scène de Frank T’Hézan, assisté de ses fils Thibaut et César, offre son lot de surprises et d’humour, à l’image de l’arrivée du faux général Bourgachard montant à l’envers un âne, le doux et patient Archi conduit par son ânier, Olivier Glinkowski. On retrouve avec plaisir la patte plaisante et talentueuse de Guillaume Attwood dans les nombreux costumes conçus pour l’occasion : la palme au pseudo‑marquis, sorte de croisement entre Harpo Marx et Mascarille.


Les habitués de Bruniquel s’investissent avec leur tempérament coutumier. On remarque tout particulièrement Aude Fabre dans le rôle‑titre, même si la diction manque un peu de netteté, et Xavier Mauconduit, qui peut déployer en Pitou toute sa vis comica mais aussi son art du chant. Ces dames aussi chantent bien, qu’il s’agisse de Margot Fillol, fille du baron, et de Morgane Bertrand, prétendue vicomtesse. Les compositions truculentes de Frank T’Hézan en baron, Michel Vaissière en notaire et Dominique Desmons en précieux ridicule font davantage sourire que Till Fechner, trop caricatural en vieux serviteur toujours entre deux vins. Contribution capitale à l’ensemble, on aura rarement entendu autant de verve chez les musiciens du festival, sous la baguette de Jean‑Christophe Keck, qui, bien plus tard dans la nuit, lors des tables d’hôtes, révélera une jolie voix de ténor dans un duo. D’Offenbach, bien sûr.


Le site du Festival des châteaux de Bruniquel



Simon Corley

 

 

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