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Le piano à l’honneur à Verbier Verbier
Salle des Combins
08/01/2024 -
Johann Sebastian Bach : Concerto pour clavier n° 1 en ré mineur, BWV 1052
Gustav Mahler : Symphonie n° 5 en do dièse mineur
David Fray (piano)
Verbier Festival Orchestra, Klaus Mäkelä (direction)
L’édition 2024 du Festival de Verbier, qui s’est déroulée du 18 juillet au 4 août, a fait la part belle au piano, quand bien même l’instrument n’est pas forcément à son avantage dans la tente qui fait office de salle de concert, avec un son plutôt étouffé. La liste des maîtres du clavier invités était particulièrement fournie, avec notamment Alexandre Kantorow, Evgeny Kissin, Nikolaï Lugansky, András Schiff, Mikhaïl Pletnev, Olivier Cavé, Lucas Debargue, Alexandra Dovgan, Bruce Liu, Mao Fujita ou encore Jérémie Moreau, pour ne citer que les noms les plus connus et sans parler du jeune sud‑coréen Yunchan Lim, qui commence d’affoler la planète classique.
D. Fray, K. Mäkelä (© Lucien Grandjean)
Initialement prévue elle aussi, Yuja Wang a finalement été remplacée par David Fray, qui a joué le Concerto en ré mineur de Bach, accompagné par l’Orchestre du Festival de Verbier, placé sous la baguette de Klaus Mäkelä. Depuis un premier disque qui avait fait sensation en 2008, le pianiste français est devenu un spécialiste du Cantor de Leipzig. Le dos constamment courbé sur le piano, il fait immanquablement penser à Glenn Gould, qu’il ne cherche pourtant pas à imiter, offrant plutôt une interprétation très personnelle. Il prouve tout d’abord qu’on peut jouer Bach sur un piano à queue Steinway. Son toucher délicat, dépourvu de toute affectation, s’allie à un jeu naturel et à une musicalité raffinée, pour une exécution intimiste et sans emphase, mais néanmoins romantique, à des millions d’années‑lumière de toute sonorité tapageuse.
La pièce de résistance de la soirée a été la Cinquième Symphonie de Mahler. Avant le début de l’exécution, Martin Engström, fondateur et directeur du Festival de Verbier, est monté sur scène pour rappeler que l’orchestre de la manifestation est composé d’une centaine de jeunes musiciens provenant de vingt‑sixpays, qu’il a tous énumérés en demandant aux instrumentistes de se lever lorsque leur nation respective était citée. Les contingents les plus importants proviennent des Etats‑Unis, de France, de Suisse mais aussi de Corée du Sud. Dans Mahler, les souffleurs jouent un rôle primordial, et la formation a pu compter sur des solistes de très grand talent, notamment parmi les cors, les trompettes, les hautbois, les clarinettes et les flûtes, qui ne devraient avoir aucune peine à être engagés par des orchestres de renom.
Klaus Mäkelä est monté sur le podium puis s’est recroquevillé, restant complètement immobile. Au bout de quelques secondes, la trompette solo a démarré l’exécution, sans aucun signe du chef, lequel a laissé le musicien jouer les premières notes en toute liberté. Tout au long de l’ouvrage, il a démontré une bonne compréhension de l’architecture globale, allant clairement de l’obscurité à la lumière, tout en faisant ressortir la multitude de détails de la partition. Seul (léger) bémol : le chef a parfois fait preuve d’une certaine superficialité, avec des contrastes peut-être pas suffisamment marqués. La Marche funèbre initiale a été attaquée de manière très solennelle et soutenue. Le deuxième mouvement (Stürmisch bewegt) a séduit par son énergie et ses accents sombres. Le Scherzo central a été particulièrement joyeux et dansant, avec de remarquables pianissimi des souffleurs. L’Adagietto s’est fait extrêmement lyrique, alors que le Rondo final a été d’une étonnante vitalité. L’exécution s’est terminée sous les ovations d’un public ravi. Ce concert restera indubitablement parmi les moments forts de l’édition 2024 du Festival de Verbier.
Le site du Festival de Verbier
Claudio Poloni
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