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Quand la vie de bohème perd son charme Lyon Opéra National 05/16/2002 - et 18, 21, 25*, 29, 31 mai, 2, 4 juin 2002 Giacomo Puccini : La Bohème Rié Hamada (Mimi), Virginie Pochon (Musette), Fernando de la Mora (Rodolphe), Philippe Georges (Marcel), Philippe Fourcade (Schaunard), Paul Gay (Colline) Orchestre, ChSur et Maîtrise de l'Opéra national de Lyon, Christian Badea (direction musicale) Philippe Sireuil (mise en scène)
Plus de cent ans après sa création à Turin en 1896, sous la direction d'Arturo Toscanini, La Bohème de Puccini reste l'un des opéras les plus émouvants du répertoire. Il faut avoir un coeur de pierre pour ne pas verser de larme en voyant la mort de Mimi, pour ne pas plaindre ce couple dont l'amour résiste mal à la pauvreté, à la jalousie et à la maladie. Mais on s'amuse aussi de ces sympathiques artistes ratés riant de leur misère et de leur faim. Cela dit, cette partition librement inspirée des Scènes de la vie de bohème de Henry Murger est tout sauf une illustration du vérisme musical : l'opéra de Puccini n'a rien à voir, qu'il s'agisse du sujet, de la musique ou du chant, avec Cavalleria rusticana de Mascagni.
La tâche du metteur en scène n'est donc pas aisée, surtout s'il veut échapper aux poncifs d'un réalisme facile sans tomber dans une distanciation hors de propos que n'autoriseraient ni la musique ni le texte. Philippe Sireuil, malheureusement, n'a pas réussi à sortir de ce dilemme. Sa mise en scène est convenue et sans inspiration. Les passages comiques, notamment, qui devraient être totalement réinventés, sont platement traités : la scène du quadrille parodique dansé par les quatre compères au ventre creux avant l'arrivée de Mimi agonisante ressemble fort à ce qu'on voyait hier dans nos provinces, alors qu'il faut montrer ici que la dérision permet de s'évader dans le rêve d'un monde de bien-être et de richesse. Les scènes de foule du deuxième tableau ne semblent pas non plus très bien dominées ; elles font même désordre.
Rien n'est donc de nature à conduire les chanteurs, qui évoluent dans des décors aussi tristes que leurs costumes, à se dépasser. L'ensemble de la distribution est pourtant honnête, à commencer par le Rodolfo de Fernando de la Mora, stylé et nuancé malgré un certain manque d'éclat et de puissance. La troupe passe honorablement son chemin, à l'exception de la Musette de Virginie Pochon, insupportable d'acidité et de vulgarité. Autant dire que tous doivent s'incliner devant la magnifique Mimi de la japonaise Rié Hamada, hier superbe Madame Butterfly à Saint-Etienne, qu'on admire pour la beauté du timbre, l'homogénéité des registres, la pureté du style et la justesse de la composition. Au pupitre, Christian Badea, hôte régulier de la scène lyonnaise, s'est montré efficace, faisant bien ressortir les subtilités d'une écriture orchestrale dont on sous-estime trop souvent la modernité. On eût cependant aimé parfois plus de poésie dans les passages lyriques et plus d'élan dans le deuxième tableau. Bref, on ne passe pas un mauvais moment. On en passe même de merveilleux avec Rié Hamada. Mais on est en droit d'attendre autre chose d'un Opéra national.
Didier van Moere
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