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Echec à Palerme Zurich Opernhaus 06/09/2024 - et 13, 20, 23, 28 juin, 4, 7*, 10, 13 juillet 2024 Giuseppe Verdi : I vespri siciliani Maria Agresta (La duchessa Elena), Irène Friedli (Ninetta), Quinn Kelsey (Guido di Monforte), Alexander Vinogradov*/Patrick Guetti (Giovanni di Procida), Sergey Romanovsky (Arrigo), Jonas Jud (Il sire di Bethune), Brent Michael Smith (Il conte Vaudemont), Raúl Gutiérrez (Danieli), Omer Kobiljak (Tebaldo), Stanislav Vorobyov (Roberto), Maximilian Lawrie (Manfredo)
Chor der Oper Zürich, Janko Kastelic (préparation), Philharmonia Zürich, Ivan Repusic (direction musicale)
Calixto Bieito (mise en scène), Aida Leonor Guardia (décors), Ingo Krügler (costumes), Franck Evin (lumières), Adria Reixach (vidéo), Beate Breidenbach (dramaturgie)
(© Herwig Prammer)
Un metteur en scène en panne d’idées, des chanteurs fourvoyés dans un répertoire qu’ils ne maîtrisent pas entièrement, un chef d’orchestre ne cherchant qu’à produire des décibels : la nouvelle production des Vêpres siciliennes à Zurich est clairement un échec. Le chef‑d’œuvre de Verdi n’a en tout cas pas inspiré Calixto Bieito, et c’est un euphémisme. Le metteur en scène catalan s’est contenté de donner quelques indications de mouvements aux chanteurs et aux choristes, lesquels doivent se déplacer sur un plateau tournant, encombré de containers blancs, de passerelles métalliques et d’échelles et représentant ce qui pourrait ressembler à un port. Pour le reste, c’est le vide. Calixto Bieito a juste tiré prétexte de quelques lignes du livret à la fin du deuxième acte évoquant la violence des occupants sur les femmes pour présenter une scène de viols collectifs particulièrement crue, qui a choqué bien des spectateurs. On sait, depuis sa production de Carmen, qui a fait pratiquement le tour du monde, que la violence faite aux femmes est un sujet qui le touche particulièrement. Comme il a choisi de ne pas situer l’action des Vêpres siciliennes à une époque et dans un contexte bien précis, ces viols collectifs ont une valeur universelle, symbole de la souffrance des femmes pendant les guerres. C’est bien vu mais c’est peu, très peu, on frise l’indigence.
L’échec vient aussi de la distribution vocale et de l’orchestre. Le Procida d’Alexander Vinogradov est une erreur de distribution manifeste : le chanteur a certes des graves impressionnants, profonds et caverneux à souhait, mais la voix est immensément large, typique des chanteurs des pays de l’Est, le timbre guttural et nasal, l’italien incompréhensible et l’interprète ne fait que hurler, sans aucune nuance. Ténor essentiellement lyrique, Sergey Romanovsky est complètement dépassé dans le rôle d’Arrigo, devant s’époumoner pour atteindre les notes les plus hautes de la partition. Maria Agresta, une chanteuse que l’on apprécie pourtant, a, elle aussi, présumé de ses possibilités vocales dans le rôle – meurtrier, il faut bien le dire – d’Elena car l’intonation est souvent prise en défaut, le chant est strident et les vocalises du Boléro semblent bien scolaires, avec de nombreuses notes escamotées. Le hic, c’est que c’est l’air le plus connu de l’opéra, celui que tout le monde attend. Quinn Kelsey a de superbes moyens vocaux : une voix puissante extrêmement bien projetée, un splendide legato, un timbre rond et plein, mais comme ses partenaires, il se cantonne dans le fortissimo tout au long du spectacle, même quand il doit chanter la souffrance et le désespoir. On imagine sans peine que, lorsqu’il est cadré par un véritable chef d’orchestre, le baryton hawaïen doit faire des merveilles. Mais il est vrai qu’à Zurich, les chanteurs se sont pas du tout aidés par Ivan Repusic : après une Ouverture plutôt convaincante, pleine d’élan, dynamique et contrastée, le maestro se lance dans une véritable course aux décibels, obligeant les chanteurs à hurler et provoquant, dans les ensembles où le chœur intervient, une complète saturation du son. Un échec sur toute la ligne, un spectacle à oublier très vite.
Claudio Poloni
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