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Fin de saison !

Versailles
Opéra royal
07/04/2024 -  et 5 (Clergoux), 6 (Beaune) juillet 2024
François Colin de Blamont : Les Fêtes grecques et romaines
Cyrille Dubois (Amintas, Eros, Tibulle, Un suivant d’Apollon), David Witczak (Apollon, Alcibiade, Marc Antoine), Marie‑Claude Chappuis (Erato, Cléopâtre), Hélène Carpentier (Clio, Timée), Cécile Achille (Zélide, Plautine, Une Egyptienne, Une bergère), Jehanne Amzal (Aspasie, Délie)
La Chapelle Harmonique, Valentin Tournet (direction)


(© Sébastien Gauthier)


Pour son dernier spectacle de la saison musicale, l’Opéra royal du château de Versailles remettait au goût du jour une œuvre bien oubliée, Les Fêtes grecques et romaines, ballet héroïque en un prologue et trois entrées, de François Colin de Blamont (1690‑1760). Voilà un nom qui fleure bon le Grand Siècle même si ce compositeur, fils de Nicolas Colin (ordinaire de la musique du Roi), chanteur à ses débuts (haute‑contre à la musique de la Chapelle en 1709, chantre à la Chambre en 1717), vécut sa carrière professionnelle durant la première moitié du XVIIIe siècle, faisant de lui musicien de la cour de Louis XV par excellence pour reprendre le titre de la biographie que lui a consacrée Benoît Dratwicki (La Musique à la cour de Louis XV – François Colin de Blamont (1690‑1760) : une carrière au service du roi, Presses universitaires de Rennes et Centre de musique baroque de Versailles, 2016).


Composées sur un livret de Jean-Louis Fuzelier (1674‑1752), auteur notamment des livrets des Indes galantes de Rameau et du Carnaval du Parnasse de Mondonville, Les Fêtes grecques et romaines connurent un très grand succès dès leur création le 13 juillet 1723, soit il y a un peu plus de trois cents ans, qui ne se démentit guère tout au long du XVIIIe siècle, jusqu’à sa dernière reprise à l’Opéra en 1770. Autant dire que la représentation de ce soir revêtait un très grand intérêt : à quelle découverte allions‑nous avoir à faire ?


Avouons que l’argument n’a guère d’intérêt, puisqu’après un Prologue voyant s’opposer les muses Erato (poésie lyrique) et Clio (histoire), finalement réconciliées par Apollon, trois Entrées se succèdent, sans lien les unes avec les autres. La première (particulièrement de circonstance puisqu’intitulée Les Jeux Olympiques) tourne autour des amours d’Alcibiade (aimé de Timée alors que celui-ci n’aime qu’Aspasie) tandis que la deuxième peint les amours de Cléopâtre et de Marc Antoine, la troisième et dernière traitant des jeux de l’amour tissés entre le poète Tibulle et Délie. A travers ces trois histoires de passions (l’amour sous toutes ses formes, thème immuable...), Colin de Blamont et son librettiste illustraient également les trois grandes fêtes accolées à chaque entrée avec, donc, successivement les Jeux Olympiques, les Bacchanales et les Saturnales.


Si le livret souffre à l’évidence une certaine impéritie, qu’en est‑il de la musique ? Dans la notice biographie de Colin (parfois orthographié Collin) de Blamont qu’elle a rédigée pour le Dictionnaire de la musique en France aux XVIIe et XVIIIe siècles (Marcelle Benoît dir., Fayard, novembre 1992), Catherine Massip écrit : « Simple, charmeuse, parfois frivole, attachée à l’imitation de la nature et au genre pastoral, cette musique répond à son objet : un divertissement aristocratique et une quête du bonheur » (p. 166). On a connu plus convaincant...


Et pourtant, quelle belle surprise ! Il faut dire que le jeune et enthousiaste chef Valentin Tournet sait insuffler ce qu’il faut à sa Chapelle Harmonique pour rendre justice à une musique qui n’est certes pas de la première inventivité, mais qui s’avère des plus chatoyantes et entraînantes grâce notamment à plusieurs intermèdes orchestraux, qui avaient à l’évidence vocation à être dansés (on ne compte plus dans l’œuvre menuets, rigaudons, musettes, bourrées et autres marches sans oublier la superbe Chaconne au milieu du Prologue). L’orchestre de presque trente musiciens met parfaitement en valeur cette partition d’une grande fraîcheur, alerte, hormis peut‑être dans la dernière Entrée qui n’en finit pas de finir et qui trahit à notre sens un sérieux manque d’inspiration de Colin de Blamont. On applaudit ainsi tour à tour la dextérité des cordes (doublées par les deux hautbois et épaulées par les deux bassons) dans la deuxième scène du Prologue, le brillant de la trompette dans la cinquième scène des « Jeux Olympiques », le caractère enlevé des violons dans le duo entre Eros et Marc Antoine au début de la deuxième Entrée ou la beauté du hautbois de Martin Roux dans l’air « Les Ris, les Grâces... » (scène 3 de la deuxième Entrée). Caractérisée à notre sens en plus d’une occasion par quelques accents italianisants (dans les duos entre Amintas et Alcibiade dans la première Entrée ou au début de la deuxième), cette musique s’avère assez immédiatement séduisante, plus facilement abordable en tout cas que celle de l’illustre ancêtre Lully, qui gagnait évidemment en profondeur et en imagination.


Si l’on passe aux voix, la plus remarquable... est celle du chœur ! Fréquemment sollicités, les dix‑huit chanteurs du chœur de la Chapelle Harmonique auront été excellents tout au long de la soirée, notamment à la fin de la première scène du Prologue ou à la fin de la première Entrée. Parmi les solistes, on attendait beaucoup de Cyrille Dubois : même si ses habituelles qualités trouvèrent une nouvelle occasion de s’illustrer (prononciation irréprochable, implication dans le chant, suavité de la voix), en particulier dans le rôle d’Eros à la deuxième Entrée (celui de Tibulle nous ayant moins convaincu en raison, entendons‑nous bien, de la partition et non de la prestation de l’artiste), force est de constater que ce ne sont pas ces Fêtes grecques et romaines qui lui offriront une grande opportunité pour faire montre de ses indéniables talents. Quel que soit le personnage incarné (Apollon, Alcibiade ou Marc Antoine), David Witczak ne marquera guère les esprits, ce qui est surprenant de la part d’un baryton pourtant habitué de ce répertoire : ce soir, sa voix souvent caverneuse et sa prononciation de la langue française hautement perfectible ne nous auront guère permis d’apprécier ses qualités de chanteur, quand bien même il aurait montré un vrai tempérament, notamment dans l’incarnation de Marc Antoine. La mezzo Marie‑Claude Chappuis a le métier qui convient pour incarner Erato et surtout une Cléopâtre au caractère affirmé, en particulier dans l’air « Brillez, jouissez de la paix » (scène 3)  ; elle sut également mettre en relief quelques traits d’humour glissés çà et là par Fuzelier dans la bouche de la légendaire reine d’Egypte (comme il sut le faire en d’autres endroits de l’œuvre, que ce soit en faisant préciser à l’un de ses personnages que « l’inconstant ne changera plus » ou que « changer d’amour, c’est changer d’esclavage »), nouvelle preuve de sa justesse dans l’appréhension de ses deux personnages. Face à elle dans le Prologue, Hélène Carpentier fut une excellente et touchante Clio, sachant ensuite être une rageuse Timée au début de l’entrée des « Jeux Olympiques » ; décidément, une chanteuse à suivre, elle qui a récemment triomphé dans le rôle‑titre de la Cendrillon de Massenet. Egalement habituée de ce répertoire, que ce soit chez Grétry ou, récemment, chez Mademoiselle Duval, Cécile Achille fut très convaincante dans chacun de ses rôles même si la projection de sa voix s’avéra un peu faible à la fin des Bacchanales (où elle incarnait une Egyptienne), celle‑ci reprenant un réel volume dans le rôle de Plautine lors de l’Entrée suivante. Quant à Jehanne Amzal, elle tint vaillamment les rôles d’Aspasie (mutine à souhait dans la scène 5 de la première Entrée) et de Délie, complétant ainsi une équipe cohérente de jeunes chanteurs globalement brillants.


Une très belle soirée musicale donc, dans le cadre toujours aussi enchanteur de l’Opéra royal du château de Versailles qui, la saison prochaine, nous offrira encore quelques raretés au nombre desquelles on signalera dès à présent L’uomo femina de Galuppi, Sosarme de Händel, Ernelinde, princesse de Norvège de Philidor ou, de nouveau avec La Chapelle Harmonique dirigée par Valentin Tournet, Les Fêtes de Ramire de Rameau.


Le site de Cyrille Dubois
Le site de David Witczak
Le site de Marie-Claude Chappuis
Le site de Cécile Achille
Le site de Jehanne Amzal
Le site de La Chapelle Harmonique et de Valentin Tournet
Le site de Château de Versailles Spectacles



Sébastien Gauthier

 

 

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