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Trois couleurs

Liège
Opéra royal de Wallonie
06/18/2024 -  et 19, 21, 22, 23*, 25, 26, 27 juin 2024
Georges Bizet : Carmen
Ginger Costa-Jackson*/Julie Robard-Gendre (Carmen), Arturo Chacón‑Cruz*/Galeano Salas (Don José), Anne‑Catherine Gillet (Micaëla), Pierre Doyen (Escamillo), Elena Galitskaya (Frasquita), Valentine Lemercier (Mercédès), Patrick Bolleire (Zuniga), Ivan Thirion (Le Dancaïre), Pierre Derhet (Le Remendado)
Maîtrise et Chœurs de l’Opéra royal de Wallonie, Denis Segond (chef des chœurs), Orchestre de l’Opéra royal de Wallonie, Leonardo Sini (direction musicale)
Marta Eguilior (mise en scène, décors), Betitxe Saitua (costumes), Sara Cano (chorégraphie), David Alcorta (lumières)


(© ORW-Liège/Jonathan Berger)


La précédente Carmen (1875) à l’Opéra royal de Wallonie, il y a six ans, avait laissé une impression mitigée. Cette nouvelle mise en scène de Marta Eguilior, la première dans cette maison, présente plus d’intérêt, sans totalement convaincre, malgré l’originalité de sa conception et de son esthétique. Trois couleurs dominent, en effet : le noir, le rouge et le blanc. Et la dimension religieuse et rituelle de cette scénographie en constitue l’axe majeur. Avant même que l’orchestre ne commence à jouer apparaissent, dans la salle, des pénitents, comme durant la Semaine sainte. C’est que, d’après la metteuse en scène, « il n’y a ni plus grand pénitent, ni plus grand croyant » que Don José, son histoire avec Carmen relevant du chemin de croix. Voilà une approche du personnage assez inédite et plutôt intéressante, mais la mise en scène ne révèle pas vraiment une facette neuve ou originale de la cigarière.


Marta Eguilior a aussi imaginé de représenter le double du brigadier, un jeune adolescent accompagné de sa mère, entièrement recouverte d’un voile blanc, comme si elle appartenait à l’au‑delà ou à d’autres sphères. Le dédoublement des personnages, voilà, à ce propos, un procédé aujourd’hui courant, donc aussi un peu lassant, dans les mises en scène d’aujourd’hui, à l’instar de la chorégraphie. Celle de Sara Cano paraît plus décorative que riche de significations, malgré la beauté de certains mouvements. Les costumes finement élaborés attirent néanmoins l’attention. Ils s’inscrivent tout naturellement dans cette scénographie qui se démarque surtout par ses couleurs et sa manière symbolique et iconique de représenter une certaine Espagne, noire et mystique. Quant à la direction d’acteur, elle confère suffisamment de crédibilité aux personnages et aux situations, non sans, parfois, quelques baisses d’intensité. Cette mise en scène présente ainsi plus de cohérence et d’impact que la précédente, mais la dimension spirituelle que Marta Eguilior a voulu mettre en exergue, non sans talent, confine plus d’une fois à la surcharge d’intentions. Est‑ce ce que le public attend dans Carmen, drame actuel et universel ?


Deux chanteuses se partagent le rôle-titre. Aucun doute : Ginger Costa‑Jackson possède la voix, les graves et les inflexions, surtout, ainsi que le physique de Carmen. L’incarnation témoigne d’une longue expérience du personnage, sans révéler une face inattendue ou inédite de cette créature éprise de liberté. Une excellente performance, à l’instar du Don José remarquable d’intensité et de sincérité d’Arturo Chacón‑Cruz, en alternance avec Galeano Salas. Le timbre reste affaire de goût, mais la voix impressionne par sa clarté, sa puissance et son expressivité. Le ténor affiche une belle présence, son incarnation rendant bien la nature profonde de cet homme sensible et honnête, mais aux prises avec une passion déraisonnable. Anne‑Catherine Gillet atteint quasiment la perfection en Micaëla, par sa voix fraîche et juvénile, sa délicatesse et sa droiture. Pierre Doyen déçoit un peu en Escamillo : le baryton le chante dans un style juste et avec une certaine élégance, mais son toréador, par sa présence et sa faconde, semble trop quelconque. Comment Carmen peut‑elle succomber à un individu aussi peu charismatique ? Elena Galitskaya et Valentine Lemercier forment un duo idéalement ajusté en Frasquita et en Mercédès. Elles livrent même une interprétation plus mémorable qu’Ivan Thirion et Pierre Derhet, pourtant fort bons, en Dancaïre et Remendado.


Sous la direction de Leonardo Sini, l’orchestre affiche son excellent niveau de jeu habituel, malgré une sonorité un peu trop compacte : exécution puissante et enlevée, intense et colorée, mais sans toute la finesse et la transparence attendues. Nous sommes curieux de ce que ce chef accomplira dans Les Noces de Figaro dans un an. Les choristes, enfin, se montrent excellents, notamment les enfants de la Maîtrise, enthousiastes et précis.



Sébastien Foucart

 

 

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