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Les bons échos de l’Ensemble ULYSSES

Paris
Centre Pompidou (Grande salle)
06/22/2024 -  
Michael Jarrell : La Chambre aux échos
Győrgy Ligeti : Mysteries of the Macabre
Simon Steen-Andersen : Chambered Music
Feliz Anne Reyes Macahis : Diwata

Clément Saunier (trompette)
Ensemble ULYSSES, Ensemble intercontemporain, Pierre Bleuse (direction)
Pierre Carré (électronique Ircam), Clément Cerles (diffusion sonore Ircam)


P. Bleuse (© Marine Pierrot Detry)


Comme chaque année, membres de l’Ensemble intercontemporain (EIC) et jeunes musiciens de l’ensemble ULYSSES mutualisent leurs forces pour le concert de clôture du festival ManiFeste.


L’originalité de Chambered Music (2007) réside moins dans les sonorités feutrées que n’aurait pas désavoué un Gérard Pesson (souffle, bruits de clé, frottement des archets) que dans la manière dont le danois Simon Steen‑Andersen (né en 1976) articule le réel et le virtuel, le visuel et le sonore. Douze instruments (avec trombone en coulisse) et un échantillonneur se livrent à un jeu de cache‑cache, entraînés dans un mouvement continu qui ne leur laisse aucun répit. Aussi ces onze minutes, que le public écoute dans un silence de cathédrale, passent‑elles comme un rêve éveillé.


« Diwata est un mot commun à de nombreuses langues parlées aux Philippines. Il peut désigner une nymphe, une divinité, un esprit de nature... » prévient Feliz Anne Reyes Macahis (née en 1987), laquelle élargit ici le rôle de la voix aux instrumentistes. Aux sources de la pièce se trouve une archive sonore de Fabio Dalasay chantant un épisode de l’épopée Agyu, diffusée tel quel. Une interpolation qui fige pour un temps la narration musicale afin d’exalter les sortilèges de la voix de conteur ; mais peut‑être cette documentation aurait‑elle gagné à rester sinon cachée, du moins suggérée ? Les couleurs instrumentales évocatrices de la compositrice originaire des Philippines (et installée en Autriche), par ailleurs, ne manquent pas d’attraits.


Il existe sur internet une vidéo devenue virale où la soprano colorature Barbara Hannigan réussit l’exploit de chanter Mysteries of the Macabre (1991) tout en dirigeant. Mais il s’agit ce soir de la version pour trompette solo mise au point par Håkan Hardenberger de ces trois airs du chef de la police secrète extraits de l’opéra Le Grand Macabre, réorchestrés pour ensemble de chambre par Elgar Howarth. Le théâtre (faussement) potache, dans la lignée des Aventures et Nouvelles Aventures (entrée en scène décalée du chef et du soliste, musiciens perdus dans leur partition), cache une écriture hautement élaborée – comme toujours chez Ligeti – et d’une grande exigence en termes de tempo, d’endurance. Clément Saulnier, peut‑être un rien inhibé dans les apostrophes vocales, darde ses aigus avec vaillance et agilité en vertu d’une ductile colonne d’air. Morceau gratifiant pour le soliste et grisant pour le public... qui l’écoute comme un enfant déguste une gourmandise.


La Chambre aux échos (2010) arpente bien « les régions du rêve et de l’irréalité, à la recherche de son moment de vérité » par quoi Philippe Albèra caractérise l’art de Michael Jarrell (né en 1958), mais le compositeur suisse renonce ici aux tempos lents et aux sonorités plombées qui marquent sa signature au profit d’une vitalité survitaminée. La pièce, inspirée du livre éponyme de Richard Powers et de travaux neurologiques, est un hommage à Pierre Boulez à l’occasion de ses 85 ans. De là ces clins d’œil explicites à Répons, aussi bien à travers le rythme de toccata effrénée qu’à travers la suspension soudaine du mouvement qui voit les instruments résonants étaler un même motif à tour de rôle. Pierre Bleuse – dont la prise de parole liminaire visait à dédier l’œuvre à la soprano Jodie Devos, décédée cette semaine à 35 ans – et les membres de l’EIC encadrent la virtuosité accomplie des jeunes musiciens d’ULYSSES ; soulignons le calibrage des notes répétées par le pupitre des vents et la parfaite entente collégiale.



Jérémie Bigorie

 

 

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