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Ferveur céleste et contingences terrestres Lausanne Salle Métropole 06/19/2024 - et 20 juin 2024 Gabriel Fauré : Pavane, opus 50 – Requiem, opus 48 (version 1900)
Frank Martin : Polyptyque Siobhan Stagg (soprano), Benjamin Appl (baryton)
Ensemble Vocal de Lausanne, Pierre-Fabien Roubaty (préparation), Orchestre de Chambre de Lausanne, Renaud Capuçon (violon et direction)
R. Capuçon (© Yuri Tavares)
En cette année du centième anniversaire du décès de Gabriel Fauré (1845‑1924), Renaud Capuçon et l’Orchestre de Chambre de Lausanne ne pouvaient manquer de programmer le célèbre Requiem du compositeur. Pour ce faire, ils se sont associés à l’Ensemble Vocal de Lausanne (EVL), une formation qui a la partition bien ancrée dans son ADN tant l’ouvrage est associé à Michel Corboz, son fondateur. L’actuel directeur artistique de l’EVL, Pierre‑Fabien Roubaty a déjà eu l’occasion de diriger l’œuvre. Contrairement au Requiem monumental de Berlioz ou à ceux très théâtraux de Mozart et de Verdi, l’ouvrage de Fauré est beaucoup plus intime et dégage un sentiment de paix et d’apaisement, de douceur aussi, quand bien même la peine et l’angoisse parsèment la partition. Il faut dire que Fauré, qui qualifiait l’ouvrage de « berceuse », a fait le choix – plutôt inhabituel – d’omettre le « Dies Iræ ». L’EVL a été confondant d’expressivité, de précision, de cohérence entre les registres et de nuances, avec de surcroît de splendides crescendi. Si l’unique intervention de la soprano a laissé le public plutôt dubitatif, car la voix de Siobhan Stagg n’a pas la légèreté et la finesse requises pour ce type de répertoire, le baryton Benjamin Appl a, lui, semblé beaucoup plus à l’aise avec son timbre clair et lumineux. Il n’empêche, on ne peut s’empêcher de se demander s’il est judicieux de faire venir de loin deux solistes pour chanter si peu, alors que la région ne manque pas d’interprètes de talent. Pour sa première incursion dans une œuvre chorale de musique sacrée, Renaud Capuçon a dirigé avec ferveur et engagement.
Joué en première partie de soirée, le Polyptyque (1973) de Frank Martin est une commande de Yehudi Menuhin et d’Edmond de Stoutz pour leur propre usage. Le compositeur a eu l’idée de mettre en musique les émotions suscitées chez lui par une série d’images de la Passion : la foule bruyante se pressant pour voir le Seigneur entrer dans Jérusalem, le Christ prenant congé de ses disciples, Judas paraissant tourmenté, puis l’angoisse de la solitude et la glorification finale. Au centre du plateau avec son violon, Renaud Capuçon est entouré des musiciens disposés en arc de cercle. Le chef‑soliste s’engage à corps perdu dans cette partition, de manière passionnée et intense, avec des accents incisifs et véhéments, avant des passages plutôt swinguants. Les musiciens le suivent comme un seul homme, dans une belle démonstration de complicité avec le maestro.
Malheureusement, la Pavane de Fauré, dans la version avec chœur, qui a ouvert le concert, n’a pas pu être appréciée dans les meilleures conditions. Au balcon de la Salle Métropole, une alarme d’un téléphone portable s’est mise à sonner dès les premières notes pour ne s’arrêter pratiquement qu’à la fin du morceau. La détentrice du téléphone incriminé n’a même pas pris la peine d’éteindre son appareil. Les téléphones portables sont devenus les fléaux des salles de concert. Au même titre que les quintes de toux intempestives.
Claudio Poloni
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