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POETICA ne décolle pas

Paris
Ircam (Espace de projection)
06/12/2024 -  et 12 avril 2024 (Dresden)
Chaya Czernowin : POETICA
Steven Schick (percussions et voix) ; Les Percussions de Strasbourg : Olivia Martin, François Papirer, Enrico Pedicone, Thibaut Weber ; Catinblack : Sofia von Atzingen (alto) Ema Grcman (violoncelle), Javad Javadzade (contrebasse) (sur enregistrement)
Chaya Czernowin, Carlo Laurenzi (électronique Ircam), Clément Cerles (diffusion sonore Ircam)


C. Czernowin (© Irina Rozovsky)


Déjà, à la fin de Hidden (« Caché », 2014), Chaya Czernowin (née en 1957) ouvrait in extremis l’espace électronique au monde extérieur en diffusant des enregistrements non traités de pluie. Dans POETICA (2023‑2024) – une des créations (française en l’occurrence) les plus attendues de cette édition du festival ManiFeste –, ces mêmes bruits d’averse serviront à cadencer une forme qui oscille entre l’introspection (la pièce se veut « un voyage à la découverte de soi ») et des événements sonores liés aux mouvements de foule (la compositrice israélienne a enregistré bruits et cris de manifestations à Tel Aviv, aux Etats‑Unis et à Paris dans le courant de l’année 2023). L’effectif, original, réunit un percussionniste soliste, quatre percussionnistes issus des Percussions de Strasbourg (jouant essentiellement des instruments à peaux), trio à cordes enregistré et électronique.


Steven Schick commence par ausculter les peaux avec sa baguette, mettant en branle un univers sonore en expansion. Il y a quelque chose d’une musique de la genèse dans cette entrée en matière, une conquête progressive de l’espace au rythme des inspirations et expirations du soliste (équipé d’un micro). Les autres musiciens procèdent dans le même esprit, qui s’observent les uns les autres afin de synchroniser, en l’absence de chef, leurs battements. Car POETICA cache une étude sur le trémolo : les différentes vitesses d’exécution, les différentes périodicités entremêlées sur lesquelles se greffent les cordes de la partie électronique embrassent une large gamme de trémolos, du battement serré à la manière d’un trille aux battements largement espacés dont Gérard Grisey a su tirer un parti fascinant dans le vaste interlude des Quatre Chants pour franchir le seuil (1998). Au cours des cinquante‑trois minutes que dure la partition, on entendra des bruits de bouches modulés en accordance avec des pizzicatos aigus, des crotales frottés avec l’archet et glissés sur la peau d’une timbale dont on actionne la pédale ; le tout dramatisé par des jeux de lumière.


Manifestation a beau se dire demonstration en anglais, rien de moins « démonstratif », in fine, que POETICA, dont la courbe émotionnelle comme jugulée n’atteindra pas cette plénitude qui atteste que l’œuvre a répondu aux attentes qu’elle proposait d’elle‑même. De là chez l’auditeur le sentiment de rester un peu sur sa faim.



Jérémie Bigorie

 

 

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