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L’enfer, c’est nous-mêmes

Zurich
Opernhaus
05/17/2024 -  et 22, 25, 31 mai, 2, 6*, 8, 11, 16, 29 juin 2024
Claudio Monteverdi : L’Orfeo
Krystian Adam (Orfeo), Mirco Palazzi (Caronte, Plutone), Mark Milhofer (Apollo), Massimo Altieri, Luca Cervoni, Tobias Knaus, Yves Brühwiler (Pastori), Josè Maria Lo Monaco (La Musica, Messagera, Eco), Miriam Kutrowatz (Euridice), Simone McIntosh (La Speranza, Proserpina), Isabel Pfefferkorn (Ninfa)
Zürcher Sing-Akademie, Marco Amherd (préparation), Orchestra La Scintilla, Ottavio Dantone (direction musicale)
Evgeny Titov (mise en scène), Chloe Lamford, Noemi Daboczi (décors), Annemarie Woods (costumes), Martin Gebhardt (lumières), Tieni Burkhalter (vidéo), Claus Spahn (dramaturgie)


(© Monika Rittershaus)


L’Orfeo n’avait plus été donné à l’Opernhaus de Zurich depuis 1979, année des dernières représentations du célèbre cycle Monteverdi confié au duo Nikolaus Harnoncourt/Jean‑Pierre Ponnelle, qui allait révolutionner la compréhension du compositeur italien et marquer d’une pierre blanche l’histoire de la musique baroque. Le directeur actuel de l’institution, Andreas Homoki, a voulu, lui aussi, programmer un cycle Monteverdi, mais en en confiant la réalisation scénique à des artistes différents pour assurer une diversité esthétique. C’est ainsi qu’Le Retour d’Ulysse dans sa patrie a été réalisé par Willy Decker et Le Couronnement de Poppée par Calixto Bieito. Et aujourd’hui, c’est Evgeny Titov qui signe L’Orfeo. Le metteur en scène kazakh propose une vision très pessimiste et sombre du chef‑d’œuvre de Monteverdi, une vision qu’on pourrait même qualifier d’apocalyptique. Le bonheur d’Orphée et Eurydice est terminé avant même d’avoir commencé : au lever de rideau, on voit en effet Orphée, une pelle à la main, creuser un trou pour y ensevelir le cercueil d’Eurydice qui se trouve juste à côté de lui. A moins qu’Orphée ne creuse sa propre tombe ? La scène se déroule dans une sorte de terrain vague noir, dominé par deux montagnes de roches. On imagine qu’une éruption volcanique a eu lieu, détruisant tout sur son passage, ou peut‑être est‑ce tout simplement la fin du monde. La tentative d’Orphée de sauver Eurydice grâce à la musique ne serait donc rien d’autre que le fruit de l’imagination du héros. Chacun de nous rumine des pensées sombres et porte en lui son propre enfer, semble nous dire le metteur en scène, un enfer auquel il est impossible de se soustraire. De manière conséquente, la noce des deux amoureux, parsemée de danses et de chants joyeux, se tient dans ce même décor sombre. Et à la fin de l’ouvrage, lorsqu’Apollon viendra rechercher son fils, Orphée se détournera pour ramasser un pistolet posé au pied du cercueil d’Eurydice. Le noir se fait alors dans la salle, et un coup de feu retentit. Glaçant.


Cette vision scénique des plus sombres est à l’opposé de l’interprétation musicale proposée par le chef Ottavio Dantone, à la tête de La Scintilla, la formation sur instruments d’époque de l’Opernhaus. Le maestro fait s’épanouir la musique avec vitalité et énergie, de manière très contrastée aussi, si bien qu’on ne s’ennuie pas une seule seconde. Les musiciens lui répondent comme un seul homme, et le son est toujours dense et rond, jamais sec. Dans le rôle d’Orphée, le ténor polonais Krystian Adam se montre particulièrement expressif et engagé, avec son timbre imposant et élégant à la fois, ses graves solides et ses superbes pianissimi. En Eurydice, Miriam Kutrowatz déploie une voix claire et douce, qui rend son personnage extrêmement attachant et émouvant. En Musica puis en Messagère, Josè Maria La Monaco séduit par sa belle voix ronde et pleine. Caronte, gardien de la porte des Enfers, a le timbre sonore et profond de Mirco Palazzi. En Proserpine, Simone MacIntosh fait forte impression avec sa voix grave, de même que Mark Milhofer en Apollon vêtu d’un costume rouge à paillettes, comme s’il sortait d’un cabaret. On mentionnera également les ténors Massimo Altieri et Luca Cervoni, le contre‑ténor Tobias Knaus et le baryton‑basse Yves Brühwiler, tous excellents, qui complètent une distribution de très haut niveau.



Claudio Poloni

 

 

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