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Les jeunes sous le feu de la rampe

Antwerp
Koningin Elisabethzaal
06/07/2024 -  et 8 (Brugge), 10 (Bruxelles) juin 2024
Camille Saint-Saëns : Concerto pour violon n° 3 en si mineur, opus 61 [1]
Max Bruch : Concerto pour violon n° 1 en sol mineur, opus 26 [2]
Dimitri Chostakovitch : Concerto pour violon n° 1 en la mineur, opus 77/99 [3]

Minami Yoshida [1], Julian Rhee [2], Kevin Zhu [3] (violon)
Antwerp Symphony Orchestra, Tung-Chieh Chuang (direction)


K. Zhu (© Fred R. Conrad)


D’abord dévolu aux seuls violonistes, le Concours musical international Reine Elisabeth (du nom de la souveraine belge qui a soutenu l’événement dès sa création en 1937) s’est peu à peu étendu à d’autres domaines : piano, violoncelle, chant et composition alternent ainsi chaque année avec le violon. C’est précisément ce dernier instrument qui a permis cette année de décerner le premier prix à l’Ukrainien Dmytro Udovychenko, qui rejoint des noms aussi illustres que David Oïstrakh, Leonid Kogan ou plus près de nous Vadim Repin, Nikolaj Szeps‑Znaider, Baiba Skride et Sergey Khachatryan – excusez du peu !


Si les trois premiers lauréats sont appelés à se produire dans toute la Belgique après la compétition, il en va de même pour les quatrième, cinquième et sixième, tous réunis pour quelques concerts. On retrouve ces jeunes pousses dans la salle Reine Elisabeth d’Anvers, attenante au zoo et à la monumentale gare centrale. Bien qu’ayant conservé sa façade historique de 1903, le bâtiment intérieur a été entièrement rénové en 2016 pour permettre la construction d’un auditorium flambant neuf, d’une capacité de 2 000 places. La salle aux lignes épurées bénéficie de sa forme en boîte à chaussures, expliquant le bon confort acoustique (malgré le peu de réverbération sur les côtés).


La soirée débute avec le Troisième Concerto (1880) de Saint‑Saëns interprété par la sixième lauréate, la Japonaise Minami Yoshida (née en 1998). Comme souvent pour ce genre d’événement, on mesure toute la difficulté pour d’aussi jeunes interprètes à se confronter à la réalité du concert, alors qu’une grande partie du public est habitué à des artistes plus aguerris. Yoshida n’échappe pas à cet écueil comparatif, en proposant un jeu d’une grande solidité technique, mais sans grandes prises de risque, ni surprises. Le son global manque aussi d’un peu de volume, mais c’est clairement au niveau de l’intention que pèche la Japonaise, beaucoup trop timorée pour dépasser une lecture sobre et linéaire.


Le cinquième lauréat, Julian Rhee (né en 2000), s’en sort mieux au début, en montrant une volonté de fouiller quelques détails du Premier Concerto (1868) de Bruch. L’ensemble de sa prestation reste toutefois inégal, entre l’incontestable maîtrise de son instrument (superbe virtuosité dans le Finale) et la difficulté à articuler ses phrasés avec l’orchestre. C’est bien en ce dernier domaine que l’Américain doit progresser, pour se hisser au niveau de son compatriote Kevin Zhu (né en 2000), incontestablement le violoniste le plus intéressant de la soirée.


On le retrouve après l’entracte dans le passionnant Premier Concerto (1955) de Chostakovitch, qui lui permet de faire l’étalage de ses nuances sans ostentation dans la longue et sombre méditation initiale, avant de se régaler des sonorités burlesques du Scherzo, en écho avec tout l’orchestre. L’atmosphère tragique de la Passacaille s’épanouit sans pathos excessif, en faisant ressortir la sublime cadence, ici interprétée avec une maturité qui force l’admiration. L’effet d’accélération qui s’empare peu à peu de l’auditeur est l’un des grands moments de la soirée, avant le dernier mouvement, captivant par son urgence parfaitement maîtrisée.


Les trois interprètes bénéficient de la direction toute d’agilité et de précision de Tung‑Chieh Chuang (né en 1982), peut‑être plus à l’aise dans l’entrecroisement rythmique et les états d’âme de Chostakovitch, tout en faisant ressortir les belles sonorités de l’Orchestre symphonique d’Anvers. La fin de soirée est l’occasion de savourer un unique bis entre les violonistes, qui lâchent tous enfin la bride pour se saisir d’un hommage inattendu à Freddie Mercury, en un pot‑pourri démonstratif et bien accueilli par un public résolument chaleureux.



Florent Coudeyrat

 

 

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