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Doublé gagnant pour Aureliano Cattaneo et Nicolas Crosse

Paris
Cité de la musique
06/07/2024 -  
Mayu Hirano : Parfum d’un Autre Monde (création)
Luis-Fernando Rizo-Salom : Trois Manifestes
Aureliano Cattaneo : inside (création)

Odile Auboin (alto), Nicolas Crosse (contrebasse), Pierre Carré, João Svidzinski (électronique Ircam), Sylvain Cadars (diffusion sonore Ircam)
Ensemble intercontemporain, Lin Liao (direction)


N. Crosse (© Ensemble intercontemporain)


Altiste de l’Ensemble intercontemporain (EIC) depuis 1995, Odile Auboin entre seule en scène pour cette création de Mayu Hirano (née en 1979), Parfum d’un Autre Monde. Il est naturellement moins question d’odeurs dans ces treize minutes de musique que d’un (plus modeste) « voyage sensoriel  » inspiré par le théâtre nô. Le début rappelle la pièce pour violon Toccatina (1986) de Helmut Lachenmanm : geste comme improvisé, sonorités feutrées. Au reste le matériau musical d’origine, appelé à diverses transformations répercutées par l’électronique, est fondé sur des fragments d’improvisations au violon – instrument de la compositrice japonaise. L’alto y ajoute cette fibre mélancolique, voire expressionniste dans le galbe des différents motifs auxquels Odile Auboin insuffle un vibrato généreux. L’électronique fait alterner les sons transformés et les vagues enveloppantes à mesure que la partie soliste, riche en doubles cordes, investit le registre aigu.


C’est l’EIC qui assura la création de Trois manifestes en 2009 – sans doute l’œuvre phare de Luis‑Fernando Rizo‑Salom (1971‑2013) – sous la direction de Susanna Mälkki. Le compositeur colombien, formé au CNSM de Paris, devait décéder tragiquement à 41 ans à la suite d’un accident de deltaplane. Le fracas spectaculaire né de la confrontation entre trois groupes instrumentaux (un sur la scène, deux au premier balcon) fait allégeance au saturationnisme : clusters au piano, âpreté des modes de jeux, essaims de tremolos façon Helikopter-Streichquartett, etc. L’ensemble de gauche ouvre les hostilités, avec ces cinglées de percussions aussitôt démultipliées par une électronique au bruit de friture. Le spectateur sent quelque chose grésiller à ses pieds ; nulle crainte : « Ces groupes sont reliés entre eux électroniquement par un système de petits haut‑parleurs placés sous les fauteuils du public ». Réuni en grand conclave avec moult musiciens supplémentaire, l’EIC navigue en toute sécurité à travers cet archipel sonore exubérant grâce au capitaine Lin Liao, d’une grande fiabilité et lisibilité gestuelle. Le long silence final prescrit dans la partition n’est pas de trop pour permettre à l’assistance de recouvrer ses esprits.


L’acmé de la soirée restera toutefois la création d’inside qu’Aureliano Cattaneo (né en 1974) a conçu sur mesures pour la « vaste palette de nuances timbrales » et le « body language » du charismatique Nicolas Crosse. Bien qu’écopant de deux cadences spectaculaires (mise en vibration de la table d’harmonie avec les deux mains) et de divers échappées, la contrebasse n’est pas si omniprésente qu’elle ne se laisse fondre dans l’orchestre d’où se distinguent un accordéon et deux saxophones. Auprès de Trois Manifestes, l’univers sonore semble plus spectral jusqu’à ce qu’un gigantesque cri amplifié par l’électronique ne précipite la pièce vers un autre espace acoustique, à la dramaturgie enflammée. Celle‑ci était annoncée par le dispositif scénique, qui aligne deux contrebasses « fantômes » (placées des deux côtés du soliste) « équipées de microphones piézo et de transducteurs afin de s’animer sonorement ». Et le roman de Dostoïevski Le Double de servir de substrat littéraire à cette schizophrénie concertante qui voit le soliste équipé d’un micro soliloquer (« Mi... je ») avant de s’interrompre brutalement. Insistions pour finir sur la complémentarité exemplaire et l’inventivité du rapport ensemble/électronique, valeureusement défendues par les musiciens et l’équipe technique de l’Ircam formées de Pierre Carré, João Svidzinski et Sylvain Cadars.



Jérémie Bigorie

 

 

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