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L’offrande musicale

Liège
Salle Philharmonique
05/26/2024 -  
Johann Sebastian Bach : Partita pour violon n° 2, BWV 1004 : 5. Chaconne (transcription Ferruccio Busoni)
Ludwig van Beethoven : Sonate pour piano n° 17 « La Tempête », opus 31 n° 2
Joseph Haydn : Sonate pour piano en do majeur, Hob. XVI:35
Fazıl Say : Black Earth, opus 8 – Ballade « Nazim », opus 12 n° 1 – Ballade « Ses », opus 40 – Sonate pour piano « Yeni Hayat », opus 99

Fazıl Say (piano)


F. Say (© Marco Borggreve)


La direction de l’Orchestre philharmonique royal de Liège continue de programmer, à la Salle philharmonique, une série de récitals de piano, le dimanche, à 16 heures. Fazıl Say figure à l’affiche du dernier de la saison.


Ce musicien ne tarde pas à exprimer sa singularité. Il livre de la Chaconne (vers 1717-1720) de Bach, transcrite par Busoni (vers 1892-1893), une lecture intense, mais personnelle, quasiment une recréation, pour un résultat impressionnant, notamment dû à des contrastes de dynamique et de tempi fortement marqués. Dans cette interprétation ouvertement romantique, cette pièce relève de la monumentale épopée. Le pianiste veille toutefois à la clarté et aux nuances. Une approche aussi libre n’est pas de nature à satisfaire tout le monde, et cette lecture ne correspond pas non plus totalement à notre idéal, mais il faut saluer l’authenticité et la sensibilité de cet artiste engagé.


Le jeu de Fazıl Say se caractérise également par une attitude au clavier assez particulière, avec toute une gestuelle susceptible de séduire ou d’agacer en fonction de son humeur, comme si le pianiste interrogeait le ciel, élevait la musique dans l’air ou la présentait au public telle une offrande. C’est à la fois perturbant et touchant. Avec lui, la Dix‑septième Sonate (1801‑1802) de Beethoven porte assurément bien sous‑titre, mais le ton affirmé sur lequel le pianiste l’interprète n’exclut pas la subtilité, malgré quelques approximations. La modernité du compositeur apparaît en tout cas clairement, grâce à ce pianiste moins soucieux de rigueur que d’originalité. En début de seconde partie, la Sonate Hob. XVI:35 (1780) de Haydn, énergique, vive, et même ludique, nous semble toutefois moins excessive.


Véritables ponts entre l’Orient et l’Occident, quelques pièces du pianiste occupent le reste du programme. La puissance évocatoire de Black Earth (1997), inspirée d’une chanson populaire, sur la solitude et la perte, d’un célèbre troubadour, Aşık Veysel (1891‑1973), provient de l’imitation du son d’une sorte de luth, le saz, obtenu en étouffant les cordes du piano, mais aussi de l’alliage assez réussi de musiques folklorique, romantique et de jazz. Les deux Ballades interprétées ensuite, l’une, Nâzim (1996), hommage au poète, persécuté pour ses sympathies communistes, Nâzim Hikmet, l’autre, Ses (2014), évocation d’un attentat perpétré par les islamistes, affichent un ton et une allure plus romantiques, voire méditatives. Enfin, la Sonate « Yeni Hayat » (2021), composée durant la pandémie, évolue stylistiquement dans le même esprit, sans marquer autant les esprits que Black Earth, avant des belles et profondes variations sur Summertime de Gershwin en bis.


Une partie du public ovationne le pianiste debout, probablement aussi pour saluer sa liberté d’expression, musicale, mais aussi politique, qui ne plaît pas à tout le monde. La saison prochaine, Lukás Vondrácek (22 septembre), Elisabeth Leonskaja (24 novembre), Maki Namekawa (9 février), Jonathan Fournel (2 mars) et Nikolaï Lugansky, exceptionnellement un samedi, le 5 avril, joueront dans le cadre de cette série.


Le site de Fazıl Say



Sébastien Foucart

 

 

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