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Une soirée inégale

Lyon
Opéra
05/13/2024 -  et 15, 17, 18, 20, 24* mai 2024
Hector Berlioz : Béatrice et Bénédict, opus 27
Cecilia Molinari (Béatrice), Robert Lewis (Bénédict), Giulia Scopelliti (Héro), Thandiswa Mpongwana (Ursule), Pawel Trojak (Claudio), Pete Thanapat (Don Pedro), Ivan Thirion (Somarone), Gérald Robert‑Tissot (Leonato)
Chœurs de l’Opéra de Lyon, Benedict Kearns (chef des chœurs), Orchestre de l’Opéra de Lyon Johannes Debus (direction musicale)
Damiano Michieletto (mise en scène), Paolo Fantin (décors), Agostino Cavalca (costumes), Alessandro Carletti (lumières), Chiara Vecchi (chorégraphie, mouvements)


(© Bertrand Stofleth)


A l’instar de Verdi, Hector Berlioz achève sa carrière lyrique par un opéra‑comique inspiré de Shakespeare, le ravissant et piquant Béatrice et Bénédict (1862). L’adaptation de la comédie Beaucoup de bruit pour rien (1600) simplifie l’intrigue en centrant l’action sur les rôles‑titres, dont les atermoiements amoureux constituent le principal ressort dramatique, laissant quelque peu de côté l’autre couple formé par Héro et Claudio : cette modification substantielle a pour conséquence d’opposer frontalement les deux couples, dont l’un évoque la sophistication inutilement alambiquée de « l’état de culture » (incluant l’influence de la société), par contraste avec la simplicité et l’élan naturel de leur double inversé, dont l’attirance sans histoire s’apparente à « l’état de nature ».


Pour illustrer ces deux trajectoires avec force, le metteur en scène Damiano Michieletto donne à voir d’emblée un vaste studio d’enregistrement, d’un blanc immaculé et glacial, seulement animé par une forêt de micros agités par le chœur : cette froideur initiale est troublée par l’irruption impromptue d’un singe, comme une mouche du coche dans ce jeu bien ordonné. Le dévoilement ultérieur d’une jungle luxuriante, où deux comédiens nus évoluent comme Adam et Eve, montre combien l’absence de pression sociale pourrait aider Béatrice et Bénédict à gagner en sérénité pour assumer publiquement leur amour, finalement irrépressible. Si l’idée séduit au niveau visuel (splendide scénographie magnifiée par les éclairages), elle peine toutefois à convaincre en première partie, du fait d’une incapacité à illustrer les complots ourdis par Don Pedro et ses complices, très secondaires dans cette optique, tandis que les aspects comiques dévolus à Somarone sonnent singulièrement faux.


Après l’entracte, la farce prend davantage de saveur compte tenu de la vitalité plus soutenue de la direction d’acteur, mais l’ensemble déçoit en fin de compte par sa conceptualisation trop cérébrale, qui laisse à distance le spectateur, à l’inverse de la production chaleureuse et vivante de Pierre‑Emmanuel Rousseau, qui nous avait séduit récemment à Nantes. Le spectacle souffre aussi de son plateau vocal privé d’interprète francophone, hormis le Belge Ivan Thirion, ce qui est particulièrement préjudiciable à la vérité théâtrale des dialogues, bien poussifs ici. Ce choix est d’autant plus curieux que le pari exactement inverse avait été fait pour la création de cette production en 2020, qui, en raison de la pandémie, avait exclusivement été diffusée en ligne. Fort heureusement, les interprètes compensent ce désagrément par une excellence vocale d’une belle homogénéité, jusque dans le moindre second rôle. La distribution est dominée par la Béatrice de grande classe de Cecilia Molinari, qui fait valoir une technique parfaite sur toute la tessiture, entre qualités d’articulation et de phrasés, toujours au service du sens. Malgré un léger vibrato, Robert Lewis (Bénédict) sait donner à son beau timbre une émission solaire bienvenue. Seule l’expression scénique, trop pataude dans ses déplacements, nuit encore à la crédibilité de son interprétation. Scintillante vocalement, la superlative Giulia Scopelliti (Héro) est accompagnée par une Thandiswa Mpongwana (Ursule) tout aussi affûtée, tandis que Pawel Trojak (Claudio) et Pete Thanapat (Don Pedro) assurent solidement leur partie. Seul Ivan Thirion (Somarone) déçoit par son peu d’appétence pour la veine comique, dans ses joutes désopilantes avec le chœur.


Les Chœurs de l’Opéra de Lyon se montrent parfois un peu brouillons dans la précision des attaques, sous la battue il est vrai trop rapide de Johannes Debus (né en 1974) dans les parties verticales. A l’inverse, le chef allemand ralentit ostentatoirement les tempi des passages plus apaisés, ce qui déroute à maints endroits. C’est d’autant plus regrettable que l’Orchestre de l’Opéra de Lyon montre toute son affinité avec cette partition délicieuse, tout particulièrement par le raffinement des bois, très évocateurs ici.



Florent Coudeyrat

 

 

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