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Salomé Davidsen : le retour des grandes voix

Paris
Opéra Bastille
05/09/2024 -  et 12*, 15, 18, 22, 25, 28 mai 2024
Richard Strauss : Salome, opus 54
Gerhard Siegel (Herodes), Ekaterina Gubanova (Herodias), Lise Davidsen (Salome), Johan Reuter (Jochanaan), Pavol Breslik (Narraboth), Katharina Magiera (Page des Herodias), Matthäus Schmidlechner, Eric Huchet, Maciej Kwasnikowski, Tobias Westman, Florent Mbia (Fünf Juden), Luke Stoker, Yiorgo Ioannou (Nazarener), Dominic Barbieri, Bastian Thomas Kohl (Soldaten), Alejandro Balinas Vieites (Ein Cappadocier), Ilanah Lobel‑Torres (Ein Sklave)
Orchestre de l’Opéra national de Paris, Mark Wigglesworth (direction musicale)
Lydia Steier (mise en scène), Momme Hinrichs (décors, vidéo), Andy Besuch (costumes), Olaf Freese (lumières), Maurice Lenhard (dramaturgie)


(© Charles Duprat/Opéra national de Paris)


Quelle voix pour Salomé ? A l’heure où l’on penche plutôt pour des formats légers, Lise Davidsen marque le retour des grandes voix auxquelles on a longtemps associé le rôle. Avait‑on entendu pareille Salomé depuis Birgit Nilsson ? La Norvégienne fait penser à la Suédoise par la puissance, l’éclat insolent de l’aigu, mais aussi par la souplesse de l’émission, les allégements subtils, le soutien et le raffinement de la ligne – telle sa devancière, elle chante d’ailleurs le répertoire italien et vient de triompher au Met en Léonore de La Force du destin. L’amplitude des moyens, ainsi, n’empêche nullement d’incarner une Salomé juvénile, certes plus impérieuse que fragile, clamant son désir comme un défi, très différente de celle d’Elza van den Heever.


Elle est fille de l’Hérodias foldingue, très portée sur les soldats de la garde, d’Ekaterina Gubanova, mezzo capiteux à la maturité épanouie, loin des sopranos en fin de course souvent entendus ici. Gerhard Siegel chante Hérode en ténor de caractère, timbre ingrat bien adapté à la perversité du tétrarque déjanté, sans abuser, comme beaucoup, des facilités du Sprechgesang. Au prophète sonore de Johan Reuter, voix d’airain idéale pour l’invective, il manque seulement l’aura de l’homme de Dieu et les frémissements de la tentation refoulée. Autour d’eux des chanteurs parfaits, dont beaucoup étaient là en 2022, à commencer par le magnifique Page de Katharina Magiera, un contralto chaud et profond. Parmi les quelques nouveaux venus, le Narraboth éperdu et irradiant de Pavol Breslik.


Une telle distribution méritait un meilleur soutien que celui du mollasson Mark Wigglesworth, qui, simple accompagnateur, rien moins que visionnaire, ne tend pas l’arc, n’instaure aucun climat et élude les raffinements coloristes de l’orchestre de Strauss. Après les sécheresses de Simone Young, cette Salomé n’a décidément pas de chance. Quant à la production de Lydia Steier, on savait d’emblée ce qu’il faut en penser, avec ses outrances pesantes et ses incongruités dramaturgiques, qui ne laissent guère paraître la révolte d’une Salomé contre « un système corrompu » et passant de « l’extrémisme » au « terrorisme ». Transformer la Danse des sept voiles en un viol collectif – même les cinq juifs y participent – où elle chevauche Hérode n’a aucun sens quand la musique nous dit tout autre chose. Etait‑il besoin, à la fin, de le faire tuer par le Page devenu justicier ? Quant à l’interminable partouze qu’orchestre le tétrarque déguisé en sachem, elle ennuie plus qu’elle ne provoque, malgré ses corps violés et mutilés qu’on jette dans une fosse commune. Mais on aime toujours autant le dénouement, où Salomé rêve d’une étreinte avec le Prophète consentant au milieu de la cage s’élevant vers les cintres : un Liebestod, une assomption pour la petite princesse dont le sang du viol a maculé la robe blanche.



Didier van Moere

 

 

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