About us / Contact

The Classical Music Network

Vienna

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Inoubliable

Vienna
Musikverein
04/19/2024 -  et 20*, 21, 22 avril 2024
Richard Wagner : Lohengrin, WWV 75 : Prélude – Tristan et Isolde, WWV 90 : Prélude et Mort d’Isolde
Johannes Brahms : Symphonie n° 2, opus 73

Wiener Philharmoniker, Christian Thielemann (direction)


C. Thielemann (© Markenfotografie)


La perspective d’entendre d’une traite trois poèmes symphoniques de Respighi par Kirill Petrenko et les Philharmoniker était séduisante ; ce n’était donc pas sans un léger serrement de cœur que nous apprenions, la veille du premier concert, le remplacement du chef pour raison de santé, ainsi que le bouleversement du programme. « Thielemann dirige Wagner et Brahms »  : entre l’exécution de la Deuxième Symphonie quelques jours plus tôt et la représentation de Lohengrin au Staatsoper la semaine suivante, par les mêmes interprètes, l’apparent manque d’originalité de l’affiche dissimulait en réalité un concert inoubliable.


Les deux préludes de Wagner baignent dans des atmosphères diamétralement opposées. Dans Lohengrin domine le fondu satiné de timbres d’une onctuosité calibrée au millimètre. L’alchimie des transmutations sonores enrichit le tapis de cordes par des entrées progressives de vents ; inversement, la transition du tutti orchestral vers les pupitres de solistes se fait de manière quasi imperceptible. Un Tristan impétueux marque un changement de couleur radical, développant des timbres plus crus, des dynamiques plus directes, injectées d’une impatience à fleur de peau.


La Deuxième Symphonie de Brahms brille quant à elle par sa richesse et sa variété expressives. Tels des colosses aux pieds ailés, les interprètes distribuent les masses orchestrales avec aisance, conservant la transparence et l’agilité de la partition sans devoir en alléger les textures. Le tempo file souvent (frôlant à l’occasion dans l’Allegro non troppo le passage à une battue à un temps), ne donnant toutefois jamais la sensation d’un excès de vitesse. Lorsque les tempi varient, parfois de manière drastique, c’est toujours dans une intention phatique bien précise et une vision architecturale affirmée.


Genoux fléchis, buste périlleusement incliné vers l’arrière, l’imposante silhouette montagnarde de Christian Thielemann rappelle par moment la posture d’un skieur engagé sur une pente trop raide, plutôt que celle d’un chef modèle. Mais observez ses mains, c’est tout autre chose : positions de baguette étudiées, petits signes subtils des doigts, cela communique beaucoup et avec exactitude. En permanence à l’écoute de l’orchestre, il réagit instantanément et impose ses options avec l’infaillibilité d’un guide assuré d’être suivi. Thielemann, qui décidément se bonifie avec l’âge, est peut‑être celui qui incarne mieux que quiconque ce qu’un chef permanent pourrait être à la tête du Philharmonique de Vienne. Preuve ultime qu’il se passe quelque chose d’inhabituel, façon ambiance de répétition générale, on surprend des regards amusés entre musiciens, se défiant à cingler les syncopes avec leurs archets durant la péroraison de la symphonie ; et n’a‑t‑on pas l’impression fugitive de voir Christian Thielemann s’amuser dans les relances de l’Allegretto grazioso ? En fin de compte, il n’est guère surprenant de le voir nommé cette semaine membre d’honneur (Ehrenmitglied) de l’orchestre.



Dimitri Finker

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com