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Poussières d’étoiles Paris Palais Garnier 04/13/2024 - et 14, 16 avril 2024
Les Forains Roland Petit (chorégraphie), Henri Sauguet (musique)
Christian Bérard (décors, costumes), Jean-Michel Désiré (lumières)
Suite en blanc
Serge Lifar (chorégraphie), Edouard Lalo (musique)
Un ballo
Jirí Kylian (chorégraphie, décors, lumières), Maurice Ravel (musique)
Joke Visser (costumes), Kees Tjebbes (adaptation lumières)
Orchestre de l’Opéra national de Paris, Philip Ellis (direction musicale)
Les Forains, 2016 (© Francette Levieux/Opéra national de Paris)
L’Ecole de danse de l’Opéra national de Paris a prouvé une fois de plus son excellence par son spectacle annuel au Palais Garnier. Il sera suivi le 17 avril dans la même salle d’un gala des écoles de danse du XXIe siècle.
L’Ecole de danse de l’Opéra de Paris, créée en 1713 par la volonté de Louis XIV, est en pleine mutation. Elle s’internationalise avec la création d’un Ballet Junior et d’antennes en Amérique du Sud et en Asie, doit faire face au défi de la mondialisation et de la diversité physique de ses élèves et aux nombreuses polémiques soulevées à ce sujet comme à celles du racisme, de la sélection, de la discipline et de la maltraitance dans l’enseignement de la danse et des parallèles établis avec la formation des enfants sportifs de haut niveau. On lira sur tout cela l’excellente interview de sa directrice depuis vingt ans, la danseuse étoile Elisabeth Platel, par Ariane Bavelier dans Le Figaro du 13 avril.
Le spectacle traditionnel proposé chaque année au public du Palais Garnier (largement composé de familles et d’amis des élèves qui se produisent, dans une atmosphère plus détendue qu’habituellement) avait cette année comme fil rouge la musique française, substrat musical des trois pièces choisies dans le riche répertoire de l’Ecole (le beau programme de salle détaille parfaitement tout ce que l’on doit savoir sur cette institution).
Suite en blanc, chorégraphie de Serge Lifar de 1943 (reprise par Charles Jude) sur des extraits de Namouna de Lalo, est une aubaine pour une telle démonstration. Elle cumule, dans une esthétique strictement classique – tutus pour les filles, collant chemise pour les garçons, blanc sur fond noir – tout ce que l’on peut imaginer comme variations d’école, adages, figures obligées, tours et portés acrobatiques. Le résultat est époustouflant par l’excellence du niveau, le professionnalisme qu’affichent déjà ces jeunes danseurs et la fluidité de l’ensemble. S’il n’est pas nécessaire d’avoir un œil professionnel pour distinguer, dans cette pièce qui dure quarante minutes, qui sera admis au rigoureux concours d’entrée dans le ballet, quelle poussière d’étoile s’en dégagera, quelle individualité crève l’écran, ces élèves méritent tous d’être distingués et laissés à l’anonymat qui sied à ce stade de leurs prometteuses carrières.
Un ballo de Jirí Kylián (1991, sur des musiques de Ravel) en est le contre‑exemple car il demande plus de fluidité et d’expérience aux danseurs, malgré la qualité technique de leur danse, pour se couler idéalement dans le moule de cette chorégraphie néoclassique. Ces deux pièces seront présentées le 17 avril prochain au gala des écoles de danse du XXIe siècle organisé sur la scène de Garnier avec plusieurs écoles européennes (Royal Danish Ballet, Hamburg Ballet, Canada National Ballet, Teatro alla Scala de Milan, Royal Ballet School) et une américaine (San Francisco Ballet) qui viendront y présenter des programmes.
Les Forains, chorégraphie de 1945 de Roland Petit (lui-même ayant débuté en 1933 sa carrière à l’Ecole de danse comme le montre une émouvante archive photographique publiée dans le programme de salle) sur un argument de Boris Kochno, des costumes de Christian Bérard et une musique d’Henri Sauguet, pièce d’une indicible poésie qui ouvrait la soirée, en était le moment le plus fort. Avouons un faible pour la très jeune danseuse, haute comme trois pommes (6e division, moins de 12 ans) et qui illustre bien la « diversité » déjà présente dans l’Ecole comme dans la compagnie de l’Opéra de Paris, qui interprétait avec une simplicité et un naturel confondant le rôle de la Petite fille acrobate dans un numéro ébouriffant de virtuosité avec le Clown, lui aussi excellent comédien comme le Prestidigitateur, les Siamoises et la Vision d’Art qui dansaient les moments forts de cette increvable chorégraphie.
La soirée ne se serait pas hissée à ce niveau artistique d’excellence sans le concours de l’Orchestre de l’Opéra national de Paris, dirigé avec beaucoup de souplesse et d’attention à la scène par le chef britannique Philip Ellis.
Olivier Brunel
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