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Tintin à l’opéra

Lausanne
Opéra
03/15/2024 -  et 17, 19*, 20, 22, 24 mars 2024
Wolfgang Amadeus Mozart : Die Zauberflöte, K. 621
Oleksiy Palchykov (Tamino), Tamara Banjesevic (Pamina), Marie‑Eve Munger (Reine de la Nuit), Björn Bürger (Papageno), Guilhem Worms (Sarastro, Orateur), Yuki Tsurusaki (Papagena), Pablo García López (Monostatos), Esther Dierkes (Première dame), Nuada Le Drève (Deuxième dame), Béatrice Nani (Troisième dame), Maxence Billiemaz (Premier Prêtre, Homme en armes), Adrien Djouadou (Second Prêtre, Homme en armes)
Jeunes chanteurs de la Maîtrise du Conservatoire de Lausanne, Eline Kretschkoff, Bertrand Bochud (préparation), Chœur de l’Opéra de Lausanne, Pascal Mayer (préparation), Orchestre de Chambre de Lausanne, Frank Beermann (direction musicale)
Eric Vigié (mise en scène, costumes), Jean-Philippe Guilois (assistant à la mise en scène), Amélie Reymond (assistante aux costumes), Mathieu Crescence (décors), Denis Foucart (lumières), Gianfranco Bianchi (vidéos)


(© Jean-Guy Python)


Pour son spectacle d’adieu à Lausanne, le directeur de l’Opéra, Eric Vigié, a souhaité présenter une version de La Flûte enchantée sans « bric‑à‑brac maçonnique », comme il le dit lui‑même dans le programme de salle. Signant à la fois la mise en scène et les costumes, il a voulu faire du chef‑d’œuvre de Mozart, un « conte merveilleux destiné à divertir, émerveiller et donner des pistes de réflexion ». Pour ce faire, il s’est clairement inspiré du Lotus bleu et de Tintin au Tibet et s’est amusé à multiplier à l’envie les références, que les tintinophiles de tout poil prennent un malin plaisir à répertorier : Pamina ouvre devant les trois Enfants un livre à la couverture rouge, sur laquelle est imprimé un dragon noir ondulant, quelques instants auparavant ces derniers étaient cachés dans un grand vase de porcelaine bleu et blanc, trois pandas et un yéti surgissent de cimes enneigées, l’Orateur débitant ses vérités fait immanquablement penser à Confucius, Sarastro trône sur une maquette du Potala, Tamino et Papageno fument de l’opium, les serviteurs de la Reine de la Nuit exhibent fièrement le petit livre rouge de Mao, pour ne citer que quelques exemples. Les costumes bariolés sont un régal pour les yeux, de même que les splendides éclairages. Que cette transposition convainque ou non, force est néanmoins de reconnaître qu’en professionnel aguerri qu’il est, Eric Vigié a imaginé un spectacle pétillant et haut et couleur, fluide et sans aucun temps mort, pour le plus grand plaisir d’un public qui rit souvent.


A la tête de l’Orchestre de Chambre de Lausanne, Frank Beermann fait, lui aussi, des étincelles et offre une lecture vive et enlevée de la partition de Mozart, une lecture dynamique et colorée, mais aussi précise et nuancée ; le chef se révèle particulièrement attentif à l’équilibre fosse-plateau et ne couvre jamais les chanteurs. La distribution vocale est emmenée par le Papageno de Björn Bürger et la Pamina de Tamara Banjesevic. Acteur talentueux à la veine comique indéniable, le baryton allemand campe un oiseleur truculent et hâbleur à souhait, un numéro à lui tout seul, avec de surcroît une belle émission homogène et une voix ductile et extrêmement bien projetée. La soprano serbe n’est pas en reste, Pamina alerte et volontaire, décidée coûte que coûte à conquérir le cœur de Tamino et ne reculant devant aucun obstacle, un portrait à l’exact opposé de la jeune fille naïve et un peu terne qu’on associe traditionnellement au personnage. La voix est ronde et corsée, agile dans les aigus, la puissance vocale est impressionnante, peut‑être surdimensionnée pour le rôle, mais cette Pamina est un concentré de pirouettes vocales, de couleurs et d’émotions, bref un nom à retenir.


Les autres solistes sont un cran au‑dessous. Oleksiy Palchykov incarne un Tamino noble et gracieux, mais a tendance à forcer, si bien que les aigus sont quelque peu étriqués et la voix trahit parfois des sonorités métalliques. Dans les deux rôles de Sarastro et de l’Orateur, Guilhem Worms déploie une voix tonique et caverneuse, mais ne dispose pas des notes les plus graves que la partition lui confère ; par ailleurs, sa diction allemande laisse fortement à désirer. La Reine de la Nuit de Marie‑Eve Munger offre une impression mitigée : toutes les redoutables vocalises du rôle sont là, indéniablement, mais on sent la chanteuse constamment en difficulté, à la limite de ses possibilités. Pablo García López incarne un Monostatos particulièrement sournois, alors que Yuki Tsurusaki campe une Papagena espiègle et enjôleuse. Si les trios respectifs des Dames et des Enfants ne sont guère convaincants, le Chœur de l’Opéra de Lausanne offre, lui, une superbe prestation. Au rideau final, tous les artistes sont chaleureusement applaudis par un public enthousiaste. Les six représentations de cette nouvelle Flûte enchantée lausannoise affichent complet.



Claudio Poloni

 

 

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