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La centaine exactement

Vienna
Konzerthaus
01/29/2024 -  
Johannes Ockeghem : Fors seulement l’attente – Qu’es mi vida preguntays – J’en ay dueil – Malheur me bat
Giuseppe Verdi : Quattro pezzi sacri : 1. « Ave Maria »
Ludwig van Beethoven : Quatuor n° 15, opus 132 : 3. Molto adagio
Luigi Nono : Fragmente-Stille, an Diotima

Quatuor Minguet : Ulrich Isfort, Annette Reisinger (violons), Aida‑Carmen Soanea (alto), Matthias Diener (violoncelle)


Le Quatuor Minguet (© Irene Zandel)


Le 29 janvier marquait très exactement le centième anniversaire de la naissance de Luigi Nono, dont le quatuor Fragmente-Stille, an Diotima (1979‑1980) était le point culminant du récital donné par le Quatuor Minguet. Trois extraits d’œuvres, plus ou moins explicitement citées dans la pièce du compositeur italien (parfois sous forme de simples notations écrites dans la partition, mais souvent perceptibles à l’oreille), ouvraient la soirée. Plus que de simples introductions thématiques ou musicologiques, chacune de ces pièces liminaires participait de fait à une mise en condition de l’oreille favorisant la réception d’une musique dont les fragments sonores puisent avec une extrême finesse dans les silences et les pauses.


Ainsi, le dépouillement des chansons polyphoniques d’Ockeghem oblige à se concentrer sur la spatialisation des voix instrumentales ; l’équilibre des pupitres est magnifique, les relais de voix quasiment imperceptibles. La transition avec l’Ave Maria de Verdi expose brusquement le public à une chaleur de timbre saisissante ; enfin, le mouvement lent du Quinzième Quatuor de Beethoven est abordé avec beaucoup d’allant, sans alanguissement mais aussi sans heurt, avec une délicatesse remarquable. Le chant du premier violon, irisé d’un vibrato perlé, se combine admirablement avec les parties de ses compagnons de scène, irriguant la musique d’un chatoiement sans cesse renouvelé.


Les trois œuvres sont enchaînées sans le moindre applaudissement, soulignant les inspirations qui relient ces musiques à travers les siècles. Peut‑être aurait-il même été préférable de poursuivre l’intégralité du concert sans interruption, afin de ne pas briser l’arche programmatique. Les trente‑cinq minutes de la partition de Nono sont certes exigeantes, mais assurément nécessaires afin de permettre au public d’atteindre un état d’hyperacuité auditive, le sensibilisant aux pauses et aux modifications de timbres. L’extrême concentration des musiciens, à peine troublée par un petit accident de violon, nous guide habilement à travers cette déconstruction permanente des techniques et des sons instrumentaux ; rendons hommage pour une fois au recueillement du public, qui aura su préserver la qualité des silences. Voici une œuvre illustrant à merveille l’adage « l’œil écoute », car observer sa reproduction sur scène en facilite la compréhension, rendant la structure bien plus accessible qu’elle ne le serait au disque.


Il est assez réjouissant de constater que malgré son caractère abstrait et révolutionnaire, cette œuvre trouve une place récurrente dans la programmation du Konzerthaus, avec plus de dix représentations depuis sa création en 1983. Le Quatuor Minguet, une formation à la fois discrète et expérimentée dans l’exploration des partitions sortant des sentiers battus, démontre que sa curiosité musicale n’est en rien émoussée par près de trente‑six années de carrière commune.


Analyse et commentaires de Fragmente-Stille, an Diotima



Dimitri Finker

 

 

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