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Navigation à vue Vienna Musikverein 01/12/2024 - et 13, 14*, 15 janvier 2024 Felix Mendelssohn Bartholdy : Meeresstille und glückliche Fahrt, opus 27
Ernest Chausson : Poème de l’amour et de la mer, opus 19
Benjamin Britten : Four Sea Interludes from Peter Grimes, opus 33a
Claude Debussy : La Mer Nicole Car (soprano)
Wiener Philharmoniker, Philippe Jordan (direction)
P. Jordan (© Johannes Ifkovits)
Le concert du Nouvel An vient de passer ; le grand chambardement annuel du Musikverein est sur le point de débuter, prélude aux deux prestigieux bals hébergés par la vénérable institution (celui des Wiener Philharmoniker suivi du Techniker Cercle, parmi les événements les plus distingués de la capitale où le port du frac s’impose aux messieurs). Ce calendrier serré laisse à peine le temps d’une matinée consacrée à un programme thématique intrigant.
L’ouverture de concert Mer calme et heureux voyage de Mendelssohn, rarement produite, débute malheureusement sur un contresens. Alors que le poème de Goethe se lamente en ces termes (« Aucun souffle d’aucune part ! Effroyable quiétude funèbre ! »), Philippe Jordan semble, dès les premières mesures, annoncer une tempête, poussant l’orchestre de manière trop active, un œil déjà tourné vers l’Allegro vivace. Si la seconde partie offre une certaine finesse, l’atmosphère évoque souvent davantage une cavalcade que de la navigation maritime.
Autre rareté au programme, le Poème de l’amour et de la mer est une œuvre somptueusement orchestrée issue d’un compositeur ne comptant pas au répertoire habituel de l’orchestre. Bien que le langage musical comporte des éléments de romantisme, une veine debussyste et des accents wagnériens, le nombre de répétitions était sans doute trop réduit pour permettre à l’orchestre d’assimiler la partition avec une maturité suffisante et en faire ressortir sa transparence, ses changements subtils de couleurs. La lecture est fiévreuse, spontanée mais souffre toutefois d’une certaine globalisation, manquant de respiration voire de préparation dans les entrées. Voilà qui est dommage car la belle voix de la soprano australienne Nicole Car, ni trop brillante, ni trop sombre, communie merveilleusement avec les timbres instrumentaux – l’intelligibilité de l’élocution se perdant un peu parmi l’orchestre. Le climat s’installe dans le final « Lent et triste », alors que la musique s’épure, nous laissant entrevoir le potentiel des interprètes dans cette œuvre magique.
La seconde partie du concert s’avère bien plus gratifiante ; le volontarisme incisif, la motorique efficace et directe des Interludes de Britten sont bien plus en phase avec la vision des interprètes. Ma voisine de rangée, soudainement disparue lors de l’entracte, réapparaît parmi les pupitres de percussions pour une Mer de Debussy malléable et contrastée, recélant des élans d’inspirations quasi improvisées. Un vent de liberté bienvenu pour animer une navigation dominicale un peu routinière.
Dimitri Finker
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