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Un récital exceptionnel Gstaad
Eglise de Rougemont
01/02/2024 -
Gaetano Donizetti : Lucia di Lammermoor : « Appressati, Lucia » & « Se tradirmi tu potrai » (duo acte II)
Maurice Ravel : Chanson romanesque [*] – Vocalise-étude en forme de Habanera [#]
Ambroise Thomas : Hamlet : « Monseigneur ! » & « Doute de la lumière » (duo acte I)
Léo Delibes : Les Filles de Cadix [#]
Jacques Ibert : Chanson à Dulcinée [*]
Giuseppe Verdi : La traviata : « Madamigella Valéry ? Son io ! » (duo acte II) – Rigoletto : « Tutte le feste al tempio » (duo acte II)
Jacques Offenbach : Les Contes d’Hoffmann : « Scintille diamant » [*]
Giacomo Meyerbeer : Robert le Diable : « Robert, toi que j’aime » [#]
Lisette Oropesa (soprano) [#], Ludovic Tézier (baryton) [*], Alessandro Praticò (piano)
L. Tézier, L. Oropesa (© Patricia Dietzi)
Exceptionnel. N’ayons pas peur des mots : le récital que viennent de donner Lisette Oropesa et Ludovic Tézier au Festival de musique de Nouvel An de Gstaad (« Gstaad New Year Music Festival ») est à marquer d’une pierre blanche. La réunion de ces deux artistes est déjà un événement en soi, l’un comme l’autre donnant très peu de récitals. Il aura fallu de surcroît forcer un peu le destin, car le baryton français aurait dû commencer les répétitions de Simon Boccanegra à Bastille, mais heureusement l’Opéra de Paris a été d’accord pour le libérer afin qu’il puisse se rendre à Gstaad. Pour leur tout premier récital commun, les deux chanteurs ont affiché une complicité évidente et leurs voix se sont mariées de façon idéale. Ils ont non seulement brillé par leurs immenses qualités vocales respectives, mais surtout ils ont été tous les deux absolument confondants d’expressivité, d’engagement et de crédibilité. Dès le premier duo (Lucia di Lammermoor de Donizetti), ils ont réussi à entrer instantanément dans leur personnage, à en être totalement habités, si bien que le public a presque eu l’impression d’assister à une représentation d’opéra. Chacun de leurs gestes, chacune de leurs mimiques, chacun des regards échangés entre eux étaient aussi un régal pour les yeux. Assister d’aussi près à une telle prestation, dans l’ambiance intimiste d’une toute petite église, est une expérience tout simplement hors du commun.
L’intensité dramatique est allée crescendo tout au long de la soirée, pour culminer avec un duo extrait de La Traviata qui a donné des frissons : elle, grâce à des accents absolument déchirants pour traduire toute sa souffrance et sa douleur, lui, restant d’abord de marbre, altier et hautain, lançant des imprécations de sa voix de bronze, avant de se laisser émouvoir et de prendre la malheureuse dans ses bras, avec un superbe legato. On mentionnera également le duo extrait d’Hamlet d’Ambroise Thomas, joli clin d’œil à la production dans laquelle les deux artistes ont triomphé à l’Opéra Bastille en mars 2023. Tant Lisette Oropesa que Ludovic Tézier ont séduit notamment par leur diction exemplaire, qui a permis aux spectateurs de comprendre pratiquement chaque mot de leurs interventions.
Entre les duos, chacun des deux chanteurs a interprété en alternance des airs un peu plus légers et festifs, essentiellement de couleur hispanisante. Lisette Oropesa a séduit par son timbre lumineux, ses aigus cristallins, ses vocalises précises et finement ciselées et ses pianissimi ahurissants dans l’extrême aigu. Ludovic Tézier n’a pas été en reste, avec son sens du phrasé, son legato irréprochable et son art de donner un sens à chaque mot et à chaque note. Pour détendre l’atmosphère après une soirée d’une rare intensité dramatique, les chanteurs ont donné en bis le duo entre Suzanne et le Comte des Noces de Figaro (« Crudel ! Perché finora »). Chapeau aussi au piano fougueux et ardent d’Alessandro Praticò. Une soirée tout simplement exceptionnelle, on l’a dit.
Claudio Poloni
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