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Quand l’accent fait la lady Lausanne Neuchâtel (Théâtre du Passage) 12/30/2023 - et 31* décembre 2023, 2 janvier 2024 Frederick Loewe : My Fair Lady Leana Durney (Eliza Doolittle), Davide Autieri (Henry Higgins), Joachim Prat‑Giral (Colonel Pickering), Daniel Reumilier (Alfred P. Doolittle), Léonard Schneider (Freddy Eynsford-Hill), Charlotte Schneider (Mrs Pearce), Quentin Campana (Le barman, Le prince), Luca Hennet (Le chauffeur, Dr Themistocle Stephanos), Olivia Lottin (Mrs Higgins), Eléonore Michel (Mrs Hopkins, Une servante), Flavien Renaud (Le laquais), Samuel Schlaeppy (Un cockney), Vincent Steiner (Jamie, Zoltan Karpathy), Antoine Senn (Harry), Olivier Senn (Un cockney), Anne‑Marie Varone (Mrs Eynsford-Hill), Alexandre Vuillermoz (Lord Boxington), Sophie Vuilleumier (Une servante, Lady Boxington)
Chœur et Orchestre de L’Avant-scène opéra, Yves Senn (direction musicale)
Robert Bouvier (mise en scène), Sylvia Wiederkehr (assistante à la mise en scène et régie plateau), Xavier Hool (décors), Pascal Di Mito (lumières), Faustine Brenier (costumes, coiffures et maquillages), Idan Matary (chorégraphie)
Directeur du Théâtre du Passage de Neuchâtel en Suisse depuis 2000 (il quittera son poste le 31 décembre 2024), Robert Bouvier est aussi acteur, comédien et metteur en scène. Il aime également beaucoup l’opéra, au point de programmer chaque saison un ou deux ouvrages lyriques, profitant du fait que son théâtre est équipé d’une fosse d’orchestre. Parmi tous les opéras présentés au Passage, il en a mis en scène un nombre considérable, dont notamment La Damnation de Faust, Mefistofele, Faust, Don Giovanni, Tosca, Aïda, Don Carlo, Pelléas et Mélisande ou encore le très rare Lighthouse de Peter Maxwell Davies.
Pour les fêtes de fin d’année, Robert Bouvier a voulu faire plaisir au public neuchâtelois en programmant My Fair Lady, la célèbre comédie musicale de Frederick Loewe. Inspirée de la pièce Pygmalion (1912) de George Bernard Shaw, l’ouvrage, composé sur un livret d’Alan Jay Lerner, a eu droit à plus de 2 700 représentations entre 1956 et 1962, ce qui en fait aujourd’hui encore l’un des plus grands succès de Broadway. Le film qu’en a tiré George Cukor en 1964, avec l’inoubliable Audrey Hepburn dans le rôle principal, et les huit Oscars qu’il a obtenus, ont pérennisé le succès jamais démenti de My Fair Lady. L’intrigue est connue de tous : Eliza Doolittle, une fleuriste à l’accent des bas quartiers de Londres, prend des leçons de diction avec le professeur Higgins. Ce dernier a parié avec le colonel Pickering, autre passionné de phonétique, qu’il fera de la jeune femme une vraie lady de la haute société en lui apprenant à bien s’exprimer et en lui enseignant les bonnes manières.
Dans un décor particulièrement épuré, composé uniquement, de chaque côté de la scène, d’une série de colonnes portant des projecteurs, Robert Bouvier s’est concentré sur l’intrigue et sur les interactions entre les personnages, avec une direction d’acteurs réglée au cordeau. Dans cet immense espace pratiquement vide, la solitude des deux personnages principaux, Eliza et Higgins, n’apparaît que plus clairement, eux qui refusent de se plier aux conventions : Eliza est réticente à obéir aux ordres du professeur, alors que ce dernier ne veut pas entrer dans le moule d’une société anglaise hypocrite incarnée par sa mère. On mentionnera également l’habile jeu de lumières de Pascal Di Mito, avec chaque scène caractérisée par une couleur différente. Robert Bouvier a eu à cœur d’imaginer une fin totalement ouverte, laissant à chaque spectateur le soin de décider si Eliza reviendra ou non chez Higgins.
La partie musicale du spectacle a été menée de main de maître et à un rythme soutenu par le chef d’orchestre Yves Senn, par ailleurs fondateur en 1985 de L’Avant‑scène opéra, qui est à la fois une compagnie professionnelle d’opéra et une académie d’art lyrique. My Fair Lady a séduit par l’engagement collectif qui a porté la production et par l’enthousiasme de chacun de ses interprètes, si bien qu’on en a oublié très vite les quelques faiblesses ou les imprécisions. Et comment ne pas succomber au charme de l’Eliza ingénue et touchante mais aussi rebelle et particulièrement piquante de Leana Durney ? Impossible aussi de résister à l’humour grinçant du professeur Higgins tellement péremptoire et antipathique mais si touchant dans son inadéquation sociale de Davide Autieri. A la fin du spectacle, le public a quitté la salle des étoiles plein les yeux.
Le site du Théâtre du Passage
Le site de l’Avant‑scène opéra
Claudio Poloni
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