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Un chœur superlatif

Lyon
Opéra
12/17/2023 -  et 19, 21, 23*, 27, 29 décembre 2023, 1er janvier 2024
Felix Mendelssohn : Elias, opus 70
Tamara Banjesevic (La veuve), Kai Rüütel-Pajula (Un ange), Beth Taylor (La reine), Robert Lewis (Ovadyah), Yannick Berne (Achab), Derek Welton (Elie), Giulia Scopelliti (Le Séraphin), Pete Thanapat (Celui qui est perdu), Thandiswa Mpongwana (Celle qui attend), Tigran Guiragosyan (Celui qui cherche), Kwang Soun Kim (Celui qui implore)
Chœurs de l’Opéra de Lyon, Benedict Kearns (chef des chœurs), Maîtrise de l’Opéra de Lyon, Nicolas Parisot (chef de chœur), Orchestre de l’Opéra de Lyon, Constantin Trinks (direction musicale)
Calixto Bieito (mise en scène), Rebecca Ringst (décors), Ingo Krügler (costumes), Michaël Bauer (lumières), Sarah Derendiger (vidéo), Bettina Auer (dramaturgie)


(© Bertrand Stofleth/Opéra de Lyon)


A l’instar d’autres compositeurs éminents, Felix Mendelssohn (1809‑1847) a raté sa rencontre avec l’opéra, qu’il affronta sans doute trop tôt avec quelques ouvrages comiques mal accueillis, notamment Le Mariage de Camacho (1825), d’après Cervantès. Son niveau d’exigence lui fit ensuite refuser des livrets pourtant jugés excellents (comme celui de Hans Heiling, finalement composé par Marschner en 1833), avant de se pencher tardivement sur l’adaptation de la légende marine de la Lorelei, laissée inachevée par une mort brutale et inattendue, à seulement 38 ans. Pour autant, on aurait tort de négliger la musique vocale de Mendelssohn, qui représente de loin la partie la plus importante de son legs, au niveau quantitatif comme qualitatif : le chef allemand Frieder Bernius ne s’y est pas trompé avec sa récente et monumentale intégrale en la matière, consacrée à la musique de scène (voir Œdipe ), profane (voir La Nuit de Walpurgis) et religieuse (plus de dix disques, en dehors des oratorios).


Après le spectacle « Trauernacht », qui regroupait l’an passé des extraits de cantates de Bach, place à son prophète Mendelssohn à l’Opéra de Lyon, avec son second et dernier oratorio, Elias (1846). Si le premier était dédié à une figure du Nouveau Testament, Paul, le second s’intéresse au plus éminent prophète de l’Ancien, Elie, figure ombrageuse somptueusement mise en valeur par la richesse harmonique de l’accompagnement orchestral, comme l’éloquence souvent homophonique des chœurs, aux réminiscences haendéliennes. Il s’agit là de la toute première production scénique de cet ouvrage en France, habituellement donné en version de concert : confié à Calixto Bieito, ce spectacle d’abord créé à Vienne en 2019 montre tout l’intérêt de porter cet ouvrage sur scène, du fait de l’investissement dramatique demandé à ses interprètes, tous très engagés pour l’occasion.


Le metteur en scène espagnol choisit en effet de mettre au même niveau solistes et chœur, ce qui est d’autant plus louable que ce dernier a un rôle prépondérant pendant toute la soirée, comme un véritable acteur du récit. Imaginative et bouillonnante, la direction d’acteur choisit de renforcer les interactions, ici omniprésentes, tout en relevant le pari de conserver le chœur sur scène tout du long, avec la révélation d’individualités marquées, parfois hautes en couleur. Comme toujours un peu sonore chez Bieito, le déchaînement sauvage des passions rappelle toute l’indécision collective en des temps manifestement perturbés, autour du récit initiatique tout en contraste d’Elie, d’abord affairé à ses miracles, avant de surmonter ses doutes pour entamer son ascension divine. Les Chœur de l’Opéra de Lyon n’appellent que des éloges, à force de cohésion, de concentration et d’accents dans les attaques, et ce pendant les deux heures de spectacle, donné sans interruption. Une performance physique logiquement applaudie par un public dithyrambique en fin de représentation, également ivre des tempi endiablés de Constantin Trinks, aux effets de masse parfois un rien trop robustes, mais qui sait parfaitement différencier les atmosphères pour embrasser toute la variété d’inspiration de Mendelssohn.


Que dire, aussi, des solistes réunis, tous très émouvants dans leurs rôles respectifs, et ce jusqu’au moindre second rôle. Ainsi du bouleversant Derek Welton, qui donne à son Elie toute la grandeur d’âme attendue, entre facilité de projection et articulation souveraine, malgré un aigu plus difficile par endroit. On aime aussi la sonore et pénétrante veuve de Tamara Banjesevic, très à l’aise au niveau technique, de même que la noblesse d’âme aux phrasés suaves de Robert Lewis (Ovadyah). Si Kai Rüütel‑Pajula (Un ange) montre quelques raideurs dans l’intonation, la grande révélation vocale de la soirée vient de Beth Taylor (La reine), qui donne le frisson à force de graves rayonnants, d’une justesse d’intention superlative au niveau dramatique. Assurément une chanteuse à suivre !


Après les fêtes, on ne manquera pas de retrouver à Lyon le drôlissime Barbe‑Bleue d’Offenbach produit par Laurent Pelly en 2019. Bonne humeur garantie avec les délices d’invention mélodique du « petit Mozart des Champs‑Elysées » !



Florent Coudeyrat

 

 

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