Back
Pour les interprètes Bordeaux Grand-Théâtre 12/06/2023 - et 7, 8*, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 26, 27, 28, 29, 30, 31 décembre 2023 Giselle Eric Quilleré, d’après Jean Coralli et Jules Perrot (chorégraphie), Adolphe Adam (musique)
Marina Da Silva*/Mathilde Froustey/Vanessa Feuillatte/Lucie Rios/Ahyun Shin (Giselle), Riku Ota*/Ashley Whittle/Oleg Rogachev (Albrecht), Ahyun Shin*/Anna Gueho/Clara Spitz/Lucia Rios (Myrtha), Pascaline Di Fazio*/Emilie Cerruti (La mère), Anaëlle Mariat (Bathilde), Neven Ritmanic*/Riccardo Zuddas/Marc-Emmanuel Zanoli (Hilarion), Guillaume Debut*/Alexandre Gontcharouk (Wilfried), Marc-Emmanuel Zanoli*/Kylian Tilagone (Duc de Courlande)
Orchestre national Bordeaux Aquitaine, Sora Elisabeth Lee (direction musicale)
Matali Crasset (conception, scénographie, décors, costumes)
(© Julien Benhamou)
Parmi les plus célèbres ballets du répertoire, Giselle (1841) n’en finit pas de séduire petits et grands, toujours émerveillés par la musique délicieuse d’invention mélodique d’Adolphe Adam (1803‑1856). La capacité de l’ancien élève de Boieldieu à ciseler des bijoux de raffinement sidère à chaque écoute, tant l’économie de moyens de l’orchestration trouve une justesse de ton toujours éloquente au niveau dramatique, à juste titre admirée par ses contemporains, jusqu’à Tchaïkovski. Autre atout décisif, la durée brève de l’ouvrage (deux fois cinquante minutes, avec un entracte) le rend idéal pour le jeune public ou les profanes, sans parler de la différenciation marquée entre les deux actes, aux atmosphères opposées : les musiques populaires et très dansantes du I séduisent par leur variété et leur fraîcheur, à l’opposé des ambiances fantastiques et des déchaînements plus dramatiques au II, avec la présence marquante des Wilis (ces jeunes filles fantomatiques mortes avant leur nuit de noce, selon des légendes germaniques).
A Bordeaux, la direction de la Coréenne Sora Elisabeth Lee impressionne par son sens des équilibres, son raffinement délicatement étagé, même si les verticalités laissent parfois entendre quelques saillies péremptoires. Elle bénéficie d’un Orchestre national Bordeaux Aquitaine très affûté dans ce répertoire, hormis des cuivres un rien trop criards par endroits. Des détails pour une représentation d’un haut niveau musical. L’excellence se situe aussi, on le sait, du côté du Ballet, dirigé depuis 2017 par Eric Quilleré : également auteur de la chorégraphie (dans le respect de la tradition des créateurs Jean Coralli et Jules Perrot), le Français garde l’esprit de légèreté et de fluidité, en lien avec les moindres inflexions du récit. En dehors de la scène de la folie à la fin du I, très réaliste, on est impressionné par le ballet fantomatique des Wilis, aussi enveloppant qu’angoissant. La pantomime, très présente dans l’ouvrage, reste également préservée, surtout pour les rôles secondaires en arrière‑scène.
Applaudie dès son entrée en scène, Marina Da Silva (Giselle) fait valoir une technique hors pair et une énergie rythmique très affûtée. Mais c’est peut‑être plus encore Riku Ota (Albrecht) qui emporte l’adhésion par sa grâce aérienne et sa capacité à interpréter son rôle avec conviction. Les dernières scènes de luttes hallucinées contre les Wilis le poussent dans ses retranchements, sans filtre et sans retenue. On avait rarement atteint une telle émotion dans la seconde partie du ballet, parfaitement rendue par les interprètes, et ce d’autant plus que la nouvelle production confiée à la plasticienne Matali Crasset frise l’indigence tout au long de la soirée, en se contentant de quelques éléments de décors stylisés ou de costumes aux couleurs certes audacieuses, mais sans aucune idée de mise en scène proprement dite. Une déception de ce point de vue, même si le programme nous apprend que Matali Crasset a au moins répondu au cahier des charges lui demandant une production « durable ».
Si Bordeaux nous fait découvrir ou redécouvrir le chef‑d’œuvre d’Adam jusqu’au 31 décembre prochain, quasiment quotidiennement et avec des interprètes différents selon les dates, on pourra aussi apprécier d’autres productions, à la même période à Nice, mais aussi l’an prochain à Strasbourg et Paris (reprise de la production présentée à Garnier en 2020). Une preuve, s’il en était besoin, du succès indémodable de Giselle.
Florent Coudeyrat
|