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L’enfance dans tous ses états

Paris
Palais Garnier
11/21/2023 -  et 23, 24, 25, 28, 29 novembre, 13, 14 décembre 2023
Maurice Ravel : Ma mère l’Oye
Elèves de l’Ecole de danse de l’Opéra national de Paris
Martin Chaix (chorégraphie), Camille Dugas (décors), Aleksanda Noshpal (costumes), Tom Klefstad (lumières)
Maurice Ravel : L’Enfant et les Sortilèges
Marine Chagnon*/Seray Pinar (L’enfant), Cornelia Oncioiu (Maman, La tasse chinoise, La libellule), Boglárka Brindás*/Lisa Chaïb‑Auriol (La bergère, La chauve‑souris), Sima Ouahman (Une pastourelle), Emy Gazeilles (Le feu, Le rossignol), Teona Todua*/Margarita Polonskaya (La princesse), Sofia Anisimova (La chouette, Un pâtre), Amandine Portelli (La chatte, L’écureuil), Tobias Westman*/Thomas Ricart (La théière, La rainette, Le petit vieillard), Andres Cascante (L’horloge, Le chat), Ihor Mostovoi*/Luis Felipe Sousa (Le fauteuil), Adrien Mathonat (L’arbre)
Maîtrise Notre-Dame de Paris, Maîtrise des Hauts‑de‑Seine /Chœur d’enfants de l’Opéra national de Paris, Henri Chalet (chef des chœurs), Orchestre de l’Opéra national de Paris, Patrick Lange (direction musicale)
Richard Jones, Antony McDonald (mise en scène, décors, costumes), Matthew Richardson (lumières), Amir Hosseinpour (chorégraphie)


Ma mère l’Oye (© Julien Benhamou/Opéra national de Paris)


Voilà une bien belle idée que de réunir les chanteurs en résidence à l’Académie avec les espoirs de l’Ecole de danse de l’Opéra de Paris, qui offrent chaque année un traditionnel spectacle au moment des fêtes (voir notamment en 2018 celui mis en scène par John Neumeier) : conçu en deux parties entrecoupées d’un entracte, ce court spectacle d’un peu plus d’une heure et demie, idéal pour le jeune public très présent dans la salle, met en miroir le ballet Ma mère l’Oye (1912), en une nouvelle production confiée à l’ancien membre de l’Ecole de danse et chorégraphe Martin Chaix, avec la fantaisie lyrique L’Enfant et les Sortilèges (1925), telle qu’imaginée par Richard Jones en 1998 (voir la dernière reprise de ce spectacle, alors couplé avec Le Nain de Zemlinsky, en 2013).


Ce spectacle s’avère plus léger que le précédent couplage avec Zemlinsky, dont le récit initiatique vénéneux mettait en garde contre les dangers de la naïveté et des apparences. Cette fois, la plongée dans l’univers ravélien permet de confronter deux visions de l’enfance, y compris au niveau musical, entre la douceur éthérée des lignes claires de Ma mère l’Oye (dont le récit est adapté des contes de Perrault) et les ambiances plus piquantes et surréalistes de L’Enfant et les Sortilèges (au livret écrit par Colette). Ces deux faces de l’imagination poétique de Ravel, radicalement opposées, se retrouvent dans l’aspect visuel du spectacle, où Martin Chaix propose une scénographie épurée, avec seulement quelques nuages en hauteur. La candeur de l’enfance s’incarne dans la fragilité apparente des costumes d’une blancheur immaculée, tous en crépon, dont la fantaisie rappelle quelque peu les costumes imaginés par Laurent Pelly pour Le Voyage de la lune d’Offenbach donné à l’Opéra‑Comique, en début d’année.


Même si cette proposition n’aide guère à identifier les différents contes évoqués, on se laisse bercer par la grâce des jeunes interprètes, tous affairés à faire de ce spectacle une réussite : très dynamiques et variées, les saynètes s’enchaînent sans temps mort, entre marche, pas de course et mouvements plus classiques. Autant le nombre des interprètes (solo, duo ou réunion de sept danseurs) que les différents portés apportent un renouvellement constant, à même de toujours soutenir l’attention. Le final, où les différents danseurs tombent masques et costumes, réunit tous les interprètes en un ballet d’ensemble harmonieux, en lien avec l’apothéose finale voulue par Ravel. On retrouve dans la fosse un chef à la hauteur de l’événement en la personne de Patrick Lange (déjà invité ici même au printemps pour un spectacle consacré à Maurice Béjart) : l’ancien directeur musical de l’Opéra de Wiesbaden n’a pas son pareil pour étirer les tempi en une douceur ouatée, d’un délicieux raffinement, tout en faisant l’étalage des couleurs suaves de l’orchestre, aux bois notamment.



L’Enfant et les Sortilèges : M. Chagnon, C. Oncioiu
(© Julien Benhamou/Opéra national de Paris)



Après l’entracte, la découverte du rideau de scène annonce avec malice le programme à venir, à la manière d’une réclame d’un spectacle forain des années 1920. Le parti pris de Richard Jones consiste à nous plonger dans l’imaginaire populaire des Années folles, en déconstruisant toute logique : après la découverte des lignes cubistes du salon minimaliste de l’Enfant, son horizon exigu s’enrichit de l’exploration du vaste plateau, dont les nombreuses saynètes savoureuses se dévoilent comme autant de surprises volontiers cauchemardesques, mais toujours bon enfant. Les courtes vignettes musicales enchaînées à un rythme effréné permettent aux artistes de l’Académie de se confronter à la scène, donnant surtout au rôle de l’Enfant matière à se distinguer. Quoi qu’il en soit, l’ensemble a suffisamment de tenue pour mettre en valeur l’esprit piquant de cette farce délicieuse, en lien avec les intentions de la mise en scène. On ne manquera pas de retrouver les chanteurs de l’Académie en avril prochain pour l’adaptation de Street Scene (1947) de Kurt Weill, montée à la MC93 de Bobigny.



Florent Coudeyrat

 

 

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