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Occasion manquée Liège Opéra royal de Wallonie 10/18/2023 - et 20, 22*, 24, 26, 28 octobre (Liège), 4 novembre (Charleroi) 2023 Gioachino Rossini : Il barbiere di Siviglia Ruzil Gatin (Il Conte d’Almaviva), Pablo Ruiz (Bartolo), Aya Wakizono*/Chiara Tirotta (Rosina), Vittorio Prato*/Marcelle Rosiello (Figaro), Mirco Palazzi (Basilio), Eleonora Boaretto (Berta), Ivan Thirion (Fiorello), Marc Tissons (Un ufficiale)
Chœurs de l’Opéra royal de Wallonie-Liège, Orchestre de l’Opéra royal de Wallonie-Liège, Giampaolo Bisanti (direction musicale)
Vincent Dujardin (mise en scène), Leila Fteita (décors, costumes), Bruno Ciulli (lumières)
(© ORW‑Liège/Jonathan Berger)
La saison se poursuit à l’Opéra royal de Wallonie avec Le Barbier de Séville (1816), une œuvre montée tellement souvent qu’elle peut aisément faire l’objet d’audaces, voire d’expérimentations. Cette nouvelle production manque l’occasion d’en proposer une lecture moderne et originale.
Vincent Dujardin situe sa mise en scène pas plus loin qu’à Séville, au milieu du siècle dernier, comme l’illustrent sans ambiguïté l’assez beau décor, représentant essentiellement un quartier de la cité andalouse, et les costumes de Leila Fteita. Cette scénographie plutôt imposante ne permet pas vraiment de glisser avec fluidité vers des scènes plus intimistes. Le second acte, durant lequel un rideau cache partiellement les immeubles et les ruelles afin de créer un espace de jeu plus réduit, accuse même le caractère peu maniable du décor. Nous aurions aimé un dispositif plus léger, mais aussi plus inventif et ludique, ainsi qu’une meilleure exploitation de cette transposition temporelle qui ne semble avoir été imaginée que pour permettre à Figaro d’entrer en scène en Vespa. Une direction d’acteur de pure convention, qui fonctionne, mais tout juste, respecte plutôt bien le caractère bouffe de cet ouvrage, mais la figuration, dont la présence complaisante de deux enfants, n’a pour seule et unique fonction de remplir sans imagination l’espace scénique.
Cela bouge, cela vit, mais pesamment, sans grande finesse, dans une approche esthétique et théâtrale passéiste, un reproche que nous avons trop souvent formulé à propos de beaucoup de productions montées lors du mandat du précédent directeur. La représentation du second acte, à la vitalité et aux interactions plus marquées, constitue toutefois une assez honorable réussite, mais le premier acte ennuie, malgré les tentatives d’amuser le public. Il manque dans cette mise en scène une signature, un véritable geste créatif, une dynamique plus stimulante. Cette production possède toutefois suffisamment de qualités pour satisfaire les personnes qui se rendent pour la première fois à l’opéra – et auxquelles il faut, il est vrai, penser – ou qui ne se montrent pas trop exigeantes pour les mises en scène. Mais pour avoir assisté à la précédente production du Barbier de Séville, reprise dernièrement en 2015, nous nous demandons ce que celle‑ci apporte de plus ou de mieux.
Le volet musical procure davantage de plaisir mais sans totalement répondre aux attentes. Les biographies dans le programme révèlent que tous les chanteurs distribués dans les principaux rôles possèdent une solide expérience dans l’opéra italien du début du dix‑neuvième siècle, en général, et dans la musique de Rossini, en particulier, ce qui se confirme à l’écoute. Tout le monde se plie à une direction d’acteur de pure convention, mais certains convainquent mieux dans leur rôle que d’autres. Grâce à un certain talent pour la comédie, Ruzil Gatin campe sans difficulté un Comte plaisant, élégant, et vocalement satisfaisant. La voix se distingue par sa clarté, une émission haute plutôt maîtrisée, et le chant adopte le style qui convient. Autre très bon rossinien, Pablo Ruiz incarne Bartolo avec ce qu’il faut de truculence, même s’il manque de présence comique, de cette fausse et ridicule autorité attendue pour le docteur, lacune un peu plus marquée au premier acte que dans le second. L’adéquation physique entre ce chanteur et le rôle ne semble pas totalement optimale, et probablement éclaterait-t-elle avec plus d’évidence dans plusieurs années, mais la performance vocale ne suscite pas de réserve majeure, au contraire : il s’agit d’une des meilleurs de la représentation.
Mirco Palazzi ne descend pas encore assez dans les graves en Basilio, mais il chante honorablement, sans néanmoins tout l’abattage et, surtout, le caractère bouffe attendus. Aya Wakizono met en avant une solide et capiteuse voix de mezzo‑soprano, à la puissance presque surdimensionnée mais à la souplesse plutôt remarquable. A moins que le metteur en scène le veuille ainsi, la chanteuse surjoue le personnage de Rosine, rendue artificielle et aguicheuse jusqu’à la caricature. Vittorio Prato accomplit, à tous points de vue, une mémorable incarnation, probablement la plus irréprochable. Son Figaro au blouson de cuir et à l’allure chic et décontractée possède ce qu’il faut de charisme, de verve et de malice. Il serait intéressant de retrouver ce chanteur dans le même rôle, mais dans une autre mise en scène pour mieux apprécier, dans toute son amplitude, l’estimable métier de ce chanteur racé. Afin de mieux évaluer son potentiel, il faudrait aussi retrouver Eleonora Boaretto dans un emploi plus valorisant que celui de Berta, rien de plus, dans cette production, qu’une assez ridicule, et même horripilante, femme de chambre souffrant d’allergies. Quant à Ivan Thirion et Marc Tissons, ils complètent consciencieusement cette distribution. Sous la direction scrupuleuse de Giampaolo Bisanti, l’orchestre, agréable et précis, joue cette musique avec suffisamment de légèreté et d’effervescence, sans lenteur ni précipitation, et en dégraissant la sonorité. Les choristes, enfin, interviennent avec vigueur.
Malgré les qualités de ce spectacle réalisé avec tout l’engagement et le professionnalisme habituels des productions de l’Opéra royal de Wallonie, c’est bien la déception qui domine. Nous étions sortis, il y a tout juste un an, autrement plus enthousiastes d’une représentation du Turc en Italie.
Sébastien Foucart
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