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Le retour du chef prodigue

München
Nationaltheater
10/08/2023 -  et 9, 10 octobre 2023
Gustav Mahler : Symphonie n° 8
Rachel Willis-Sørensen, Johanni van Oostrum, Jasmin Delfs (sopranos), Jennifer Johnston, Okka von der Damerau (mezzo‑sopranos), Benjamin Bruns (ténor), Christoph Pohl (baryton), Georg Zeppenfeld (basse)
Chor der Bayerischen Staatsoper, Johannes Knecht (chef de chœur), Valsts Akadēmiskais koris “Latvija”, Māris Sirmais (chef de chœur), Tölzer Knabenchor, Christian Fliegner (chef de chœur), Bayerisches Staatsorchester, Kirill Petrenko (direction)


(© Wilfried Hösl)


Une semaine après la Sixième Symphonie donnée à Munich puis à Paris par l’Orchestre symphonique de la Radio bavaroise sous la baguette de Sir Simon Rattle, voici, excusez du peu, la Huitième, la « Symphonie des Mille », sous la baguette de Kirill Petrenko.


Ce dernier faisait à cette occasion son retour à l’Opéra d’Etat de Bavière depuis son départ à la fin de la saison 2019‑2020. Sa venue, ainsi que le rappelle Serge Dorny dans un court discours préliminaire, s’inscrit dans le programme des concerts de l’Orchestre d’Etat de Bavière, qui verra, après Zubin Mehta la saison passée, le retour au pupitre d’un autre de ses anciens chefs titulaires en la personne de Kent Nagano.


Mais cette soirée, tous les regards sont bien tournés vers Petrenko, accueilli avec un enthousiasme particulier par son public dès qu’il apparaît sur le podium. Il est fidèle à lui‑même. Alors que nombreux auraient pris le temps de cette célébration, il semble tendu et se retourne quasi-immédiatement pour lancer le départ de l’œuvre. Il y a dans cette attitude, ainsi que dans sa lecture, une absence frappante de sentimentalité. Lorsqu’à la fin des deux mouvements, il se retourne pour indiquer le départ des cuivres installés dans les loges du haut de la salle, on peut voir sur son visage la concentration, voire une certaine inquiétude devant le défi de faire en sorte que la mise en place reste impeccable (ce qui bien évidemment est le cas).


Le son de la salle de l’Opéra d’Etat est un peu sec. C’est bien plus une salle d’opéra qu’une salle de concert. L’orchestre massif a un son compact, sans lourdeur, mais on ne peut se demander si certains solos des musiciens ne seraient pas plus ressortis si cette symphonie avait été donnée dans la salle plus analytique de l’Isarphilharmonie, qui n’a bien évidemment pas la même atmosphère ni la même histoire.


Le chœur – les chœurs – sont puissants. Les solistes sont remarquables et l’on retrouve cette caractéristique des lectures de Petrenko, qui est de savoir vraiment soutenir ses chanteurs, ce qui, en y réfléchissant, n’a peut‑être pas été toujours le cas sur cette même scène ces temps derniers. Bien évidemment, Rachel Willis‑Sørensen a de superbes aigus et elle complimente Johanni van Oostrum après son solo si émouvant dans la seconde partie. Munich connait bien Okka von der Damerau mais à ses côtés, Jennifer Johnston ne dépareille pas. Benjamin Bruns trouve des superbes phrasés dans le « Blicket auf». Georg Zeppenfeld a beaucoup de profondeur.


La lecture de Kirill Petrenko est à nouveau très moderne. Il y a une tension continue qui ne se relâche pas. L’architecture de l’œuvre est respectée avec un soin particulier. La fin du premier mouvement est prise d’un même élan. Le crescendo final (à 202 pour les Beckmesser amateurs de partitions), avec un démarrage pianissimo des chœurs, est saisissant. Les tempi ne sont jamais alanguis même si les ressources sur scène sont monumentales mais le son n’est jamais massif.


A nouveau, il y a une certaine similarité avec l’approche de Rattle dans la Sixième Symphonie, l’ère des lectures mahlériennes « excessives » serait‑elle derrière nous ?



Antoine Lévy-Leboyer

 

 

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