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Monaco après Bayreuth Monaco Monte-Carlo (Auditorium Rainier III) 10/01/2023 - Serge Prokofiev : Ouverture sur des thèmes juifs, opus 34
Gustav Mahler : Des Knaben Wunderhorn : « Rheinlegendchen », « Wo die schönen Trompeten blasen », « Das irdische Leben », « Urlicht », « Revelge » & « Der Tamboursg’sell »
Piotr Ilyitch Tchaïkovski : Symphonie n° 4 en fa mineur, opus 36 Matthias Goerne (baryton)
Orchestre philharmonique de Monte‑Carlo, Nathalie Stutzmann (direction)
M. Goerne, N. Stutzmann (© Jean‑Louis Neveu/OPMC)
Un Mahler peut en cacher un autre. Huit jours après nous avoir fait entendre de manière éblouissante sa Symphonie « Résurrection » pour l’ouverture de sa saison, le Philharmonique de Monte‑Carlo reconvoquait ce compositeur pour nous faire applaudir ses lieder du Knaben Wunderhorn (Le Cor enchanté de l’enfant).
Matthias Goerne, qui en est l’un des meilleurs interprètes au monde, nous en a donné une interprétation bouleversante. Il fallait le voir sur le devant de la scène, avec son physique de géant, se balancer d’un pied sur l’autre au rythme de la musique, comme s’il était encombré de son corps, donnant l’impression de faire monter du fond de lui‑même, voire des profondeurs de la terre, des mélodies sombres, graves, caverneuses, aux vibrations telluriques, qui parlaient de morts, de fantômes, de famine, de pendaison – car tel était l’essentiel des thèmes des six lieder qu’il avait choisi de chanter. Quelle musique sublime enveloppait ces propos sinistres ! Matthias Goerne avait, pour l’accompagner, une cheffe d’orchestre idéale en la personne de celle qui a ému Bayreuth cet été : Nathalie Stutzmann. Idéale, oui, car elle connaît de l’intérieur des lieder qu’elle a elle‑même magnifiquement chantés et enregistrés. Son entente avec le soliste fut parfaite.
Nathalie Stutzmann conduisit également la triomphale Quatrième Symphonie de Tchaïkovski – œuvre aux fanfares somptueuses qui, comme la Cinquième Symphonie de Beethoven, interpelle le Destin. Dans sa direction, Nathalie Stutzmann ne s’attache pas au détail mais brasse avec volupté les grandes masses orchestrales. Cela est du meilleur effet dans la musique romantique. Elle souleva l’orchestre et la salle. Le public, à la fin, était debout. Pour elle, à Monaco après Bayreuth, le succès ne se dément pas.
André Peyrègne
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