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Programme éclaté Biarritz Ascain (Eglise Notre-Dame-de-l’Assomption) 09/07/2023 - Maurice Ravel : Sonatine
Helmut Lachenmann : Serynade
Robert Schumann : Davidsbündlertänze, opus 6 Jean-François Heisser (piano)
(© Olivier Brunel)
Le pianiste français Jean-François Heisser, codirecteur artistique avec Bertrand Chamayou du Festival Ravel en Pays basque, a donné en son dernier jour dans la belle église basque du XVIe siècle Notre-Dame-de-l’Assomption au somptueux retable de bois doré, de la très résidentielle commune d’Ascain (Azkaine), au pied du somment pyrénéen de la Rhune où Pierre Loti habita et écrivit son Ramuntcho, un récital à la programmation très éclatée.
A Maurice Ravel, hommage est rendu en son festival et à quelques kilomètres de Ciboure, sa ville natale, avec sa Sonatine (1905). Jean‑Francois Heisser apprivoise rapidement l’acoustique réverbérante de cette église pour en donner une interprétation d’une belle fluidité. Il s’agissait aussi d’apprivoiser les oreilles du public local, qui n’est pas celui des grands festivals de musique contemporaine, avant de lui délivrer le message sonore de Helmut Lachenmann (né en 1935), le plus célèbre des compositeurs allemands vivants, considéré comme l’un des chefs de file du mouvement Klangkomposition, avec sa Serynade. Jean‑Francois Heisser, qui a joué en janvier dernier au Théâtre des Bouffes du Nord et enregistré avec Jean‑Frédéric Neuburger Mantra pour deux pianos et électronique de Stockhausen, semble familier avec ce répertoire postsériel, dont il commente en préambule la substance sonore et l’originalité qu’elle représente avec l’usage de la pédale médiane du piano de concert en termes de création de résonance de sons, procédé qui, combiné à l’usage de la sonorité traditionnelle de l’instrument et des silences, crée un univers sonore original.
De fait, Serynade, qui dure trente grandes minutes et n’utilise comme langage harmonique que des successions d’accords et de clusters à la composition souvent très recherchée, n’est pas de tout repos pour l’auditeur, l’oreille ne trouvant que rarement le réconfort tonal auquel elle est habituée. Créé en 2000 au festival ECLAT de Stuttgart, l’œuvre, par sa structure hétérogène, défie l’analyse. On en trouvera cependant une excellente dans le copieux article de Didier Guigue « L’ars subtilior de Lachenmann. Une incursion dans l’univers sonore de Serynade » (revue Filigrane, mai 2011).
Après les applaudissements fournis et les salutations d’usage par le compositeur, présent dans l’église (il faisait cette année partie des maîtres invités par l’Académie Ravel), Jean‑François Heisser a demandé au public « s’il avait besoin de trois minutes pour souffler ». On admire le fait qu’il n’en ait pas liu‑même éprouvé le besoin après une telle performance physique. Eût‑il posé la question à son Steinway D qu’il aurait probablement entendu qu’il avait besoin d’être réaccordé après un tel déluge de poids sonore. Il a néanmoins enchaîné avec des Danses des compagnons de David de Schumann magnifiquement construites et jouées avec un très beau sens du récit. On rêve de les réentendre avec tous les trésors de sonorité et de nuances que cet excellent pianiste doit y mettre dans une acoustique plus favorable et sur un piano moins désaccordé. Le récital s’est achevé avec deux bis, une des Bagatelles opus 126 de Beethoven puis Chanson et danse n° 6 de Federico Mompou.
Le site de Jean-François Heisser
Olivier Brunel
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