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L’opéra aux champs Poitiers Sanxay (Théâtre gallo-romain) 08/10/2023 - et 12, 14 août 2023 Wolfgang Amadeus Mozart : Don Giovanni, K. 527 Florian Sempey (Don Giovanni), Klára Kolonits (Donna Anna), Andreea Soare (Donna Elvira), Granit Musliu (Don Ottavio), Adrian Sâmpetrean (Leporello), Charlotte Bonnet (Zerlina), Adrien Mathonat (Il commendatore, Masetto)
Félix Ramos (piano, assistant à la direction musicale), Chœur des Soirées lyriques de Sanxay, Stefano Visconti (chef de chœur), Orchestre des Soirées lyriques de Sanxay, Marc Leroy‑Calatayud (direction musicale)
Jean-Christophe Mast (mise en scène), Jérôme Bourdin (scénographie, costumes), Pascal Noël (création lumières)
Pendant de longues années, le théâtre du site gallo‑romain de Sanxay a accueilli exclusivement des ouvrages romantiques ou postromantiques, dont les effectifs et l’esthétique paraissaient seuls de nature à satisfaire à la spécificité du lieu, avec ses 2 500 places en plein air (dont 300 dans un promenoir en surplomb). Et puis il y eut en 2017 une Flûte enchantée, suivie en 2022 d’un Barbier de Séville originellement prévu pour 2020, expériences suffisamment concluantes pour que le directeur artistique des Soirées musicales, Christophe Blugeon, programme pour leur vingt‑troisième édition Don Giovanni, qu’on n’imaginait pourtant pas taillé pour d’aussi grands espaces.
Non seulement le public a répondu présent, fidèle à ce festival à nul autre pareil par son cadre et son ambiance populaire, cet « opéra des champs » vanté par Dominique Hummel, président du directoire du Futuroscope de 2002 à 2018, qui a succédé à Philippe Bélaval à la présidence de cette manifestation, mais confirmation est faite qu’outre Bizet, Verdi et Puccini, Sanxay peut héberger sinon Monteverdi et Rameau, du moins Mozart et Rossini.
Cela dit, le continuo est confié non pas à un clavecin mais à un piano (droit) et il est parfois nécessaire de tendre l’oreille pour bien profiter d’un orchestre à l’effectif pourtant plutôt fourni au regard des standards mozartiens actuels (quarante‑sept musiciens), mais dont le son a tendance à s’évaporer dans la nuit. De même, dès que les chanteurs s’orientent ne serait‑ce que de côté, et pire encore lorsqu’ils tournent le dos, il devient difficile de bien les entendre. Enfin, l’acoustique ne favorise pas la fusion des timbres, qu’ils soient instrumentaux ou vocaux. Mais quand la météo est de la partie, comme c’est enfin le cas en cet été maussade, pourquoi bouder son plaisir et ne pas composer avec ces quelques revers du refus – plus que louable – de recourir à une sonorisation ?
Et on continue de ne pas mégoter sur la qualité, ce dont témoignent notamment un respect total de la partition – il n’y a pas davantage de récitatifs coupés que dans n’importe quelle grande maison d’opéra tandis que le premier air de Don Ottavio (« Dalla sua pace ») est heureusement conservé – et un surtitrage irréprochable. Oui, décidément, il faut se prêter au jeu de cette aventure un peu folle qui met en jeu plus de deux cents bénévoles et personnes accueillant les artistes, sans compter les trois concerts gratuits « en itinérance » donnés quelques jours avant les représentations et les actions pédagogiques engagées durant le reste de l’année à destination des élèves du primaire et du secondaire.
A. Sâmpetrean (© Cyril Cosson)
Sans s’engager dans une de ces relectures trop souvent aussi vaines que compliquées, sinon peut‑être dans la pirouette finale, la mise en scène de Jean‑Christophe Mast se caractérise par sa sobriété, impression sans doute accentuée par le travail de Jérôme Bourdin, tant son décor austère, qui peine un peu à se déployer sur l’immense plateau au centre duquel est installée une scène fermée par un rideau noir, que ses costumes sombres, à l’exception un peu prévisible du rouge dévolu à Don Giovanni, et par les lumières de Pascal Noël, qui cultivent le clair‑obscur. Quelques images fortes demeureront, comme ce lâcher des ballons gonflables blancs de la fête du finale du premier acte sur les mots « Viva la libertà » ou bien la gigantesque faucheuse qui représente le Commandeur statufié.
Cela dit, la dimension giocoso de l’œuvre n’est nullement escamotée, bien au contraire, à la grande joie des spectateurs, qui ne se privent pas de rire et sourire à de nombreuses reprises, comme à la découverte du catalogue de Leporello, immense drap reproduisant une carte de l’Europe et couverte de prénoms féminins, qui servira ensuite de nappe pour les festivités. On regrettera simplement que le lieto finale (« Questo è il fin ») soit en grande partie couvert par les applaudissements, compte tenu du parti pris consistant à faire saluer les protagonistes chacun son tour.
La distribution appelle des éloges quasiment sans réserve. Dans le rôle‑titre, Florian Sempey incarne un séducteur léger, à peine insolent tant il semble toujours mû par un instinct naturel, et sans toujours forcer la voix, pourtant irréprochable, à l’image d’un « air du champagne » plus parlé et clamé que chanté. A l’Anna au timbre un peu ingrat mais aux aigus assurés de Klára Kolonits, on aura préféré l’Elvira corsée et vindicative d’Andreea Soare, qui passe remarquablement la rampe, ce qui n’est pas rien dans de telles conditions. Il est difficile de donner une incarnation crédible et digne d’Ottavio, mais Granit Musliu y parvient grâce à une justesse, un phrasé, une couleur, une noblesse, une élégance et, au besoin, une puissance qui retiennent l’attention. Avec le Leporello d’Adrian Sâmpetrean, la vis comica, particulièrement développée, n’est jamais l’excuse d’un chant relâché, bien au contraire. Charlotte Bonnet ne paraît pas toujours assurée en Zerlina, à la différence d’Adrien Mathonat, qui hisse Masetto au‑dessus de son statut de personnage secondaire, tout en conférant au Commandeur une voix solide quoique déformée de façon bizarrement caverneuse dans la scène finale.
Il faut enfin saluer la contribution tout à fait satisfaisante du chœur, préparé comme toujours par Stefano Visconti, et de l’orchestre du festival. A la direction musicale, Marc Leroy‑Calatayud ne se contente pas d’être attentif aux chanteurs mais relance sans cesse le propos avec un grand dynamisme.
Le site des Soirées lyriques de Sanxay
Le site de Marc Leroy‑Calatayud
Le site de Florian Sempey
Le site d’Andreea Soare
Simon Corley
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