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Amour, guerre et rédemption Albany Cooperstown (Alice Busch Opera Theater) 07/28/2023 - et 31 juillet, 6, 12, 15, 17 août 2023 Georg Friedrich Händel : Rinaldo, HWV 7 Anthony Roth Costanzo (Rinaldo), Jasmine Habersham (Almirena), Keely Futterer (Armida), Kyle Sanchez Tingzon (Goffredo), Korin Thomas‑Smith (Argante), Nicholas Kelliher (Mago cristiano), Madison Hertel, Peter Murphy, Emma Sucato (danseurs/comédiens)
Christopher Devlin (clavecin), The Glimmerglass Festival Orchestra, Emily Senturia (direction musicale)
Louisa Proske (mise en scène), Matt Saunders (décors), Montana Levi Blanco (costumes), Amith A. Chandrashaker (lumières), Jorge Cousineau (vidéo), Jorrell Lawyer-Jefferson (chorégraphie)
J. Habersham, A. Roth Costanzo (© Evan Zimmerman)
Ambiance électrique au Festival de Glimmerglass pour la première de la nouvelle production de Rinaldo de Haendel dans une réalisation très audacieuse et étonnante de Louisa Proske.
Depuis 1988, le Festival de Glimmerglass fonctionne avec un Young Artists Program qui permet à une cinquantaine de très jeunes chanteurs d’y étudier grâce à un programme pédagogique très élaboré et de s’y produire dans de seconds rôles mais aussi comme doublures de rôles plus importants. Si la reprise de Candide de Bernstein leur faisait la part belle avec une multitude de seconds rôles et silhouettes, la nouvelle réalisation de Rinaldo, qui comporte moins de rôles, permettait tout de même, sur neuf interprètes, à sept jeunes de s’y produire. Et avec quel brio, car hormis les deux chanteurs américains Anthony Roth Costanzo, en résidence cette année au festival, et Jasmine Habersham, qui assuraient avec brio les deux rôles principaux de Rinaldo et Armida, que de bonnes surprises dans la distribution avec ces jeunes artistes en résidence !
Pour sa réalisation scénique, la régisseuse allemande s’est inspirée d’un célèbre documentaire de la chaîne publique PBS, A Lion in the House, qui suit la progression d’enfants atteints de cancers dans un hôpital pédiatrique de Cincinnati, Ohio. Cela en incorporant habilement les personnages du drame médiéval dans l’environnement hospitalier : les deux enfants hospitalisés partent d’un récit imaginaire de chevaliers croisés pour s’immiscer progressivement dans la peau des personnages principaux, et de même le personnel hospitalier entre dans la peau des personnages secondaires. Une belle réussite car, grâce à un usage modéré de la vidéo d’animation de Jorge Cousineau, à un jeu d’éclairages virtuose (Amith A. Chandrashaker), à une habile réalisation scénique et une direction d’acteur millimétrée, Louisa Proske réussit à rendre crédible et surtout très lisible l’action un peu rocambolesque de cette histoire mêlant amour, guerre et rédemption. Les scènes tragi‑comiques de la sorcière Armida sont particulièrement réussies sans l’aide d’effets spéciaux extravagants, juste une succession de bons effets théâtraux. L’habilité dramatique de tous les chanteurs, danseurs et comédiens, certains étant de véritables auxiliaires hospitaliers, était pour beaucoup dans cette réussite.
Anthony Roth Costanzo a assuré avec une belle virtuosité et une grande intensité dramatique la partie écrasante du rôle‑titre. Ce contre‑ténor américain qui se produit au Metropolitan Opera (Akhenaton de Philip Glass l’y a distingué en 2019) et que Paris pourra entendre dans L’Ange exterminateur de Thomas Adès la saison prochaine, a un grand magnétisme vocal et scénique qui en fait un acteur accompli pour incarner l’immatérialité de ce personnage légendaire.
Jasmine Habersham était une partenaire à la hauteur pour incarner Almirena et a transporté l’auditoire en réussissant parfaitement le chiaroscuro de son aria « Lascia ch’io pianga ». Parmi les jeunes artistes, le Goffredo de Kyle Sanchez Tingzon se distinguait particulièrement et dans son air « Sorge nel petto » au III, démontrant qu’une technique exemplaire alliée à une sensibilité à fleur de peau pouvait rendre cette musique la plus belle du répertoire baroque. Etonnante aussi la sorcière Armida parfaitement campée scéniquement par Keely Futterer avec une voix également timbrée sur toute son immense tessiture et une habilité dramatique étonnante.
Dans une configuration plus symphonique que baroque, l’Orchestre du Festival de Glimmerglass, dirigé par Emily Senturia, s’est montré à la hauteur de cette magnifique réalisation, accueillie en triomphe par un public enthousiaste.
Olivier Brunel
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