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Récital fleuve de François-Frédéric Guy

La Grave
Eglise Notre-Dame de l’Assomption
07/21/2023 -  
Franz Liszt : Harmonies poétiques et religieuses : III. « Bénédiction de Dieu dans la solitude », IV. « Pensée des morts » & VII. « Funérailles »
Tristan Murail : Le Misanthrope – Mémorial – Cailloux dans l’eau – Résurgence – Le Rossignol en amour
Claude Debussy : Préludes (Second Livre) : I. « Brouillards » & XII. « Feux d’artifice » – Images (Seconde Série) : I. « Reflets dans l’eau »

François-Frédéric Guy (piano)


F.‑F. Guy (© Bruno Moussier)


Tout compositeur arrivé à maturité se trouve face à une option : 1/ perpétuer le même style, se condamnant ainsi à devenir son propre épigone ; 2/ tenter de se renouveler... quitte à prendre des risques. Les œuvres récentes de Tristan Murail, personnalité majeure du mouvement spectral, n’hésitent pas à investir des genres (concerto, cycle de mélodies, etc.) longtemps tenus à distance. Dans cet échantillon de pièces pour piano écrites entre 2018 et 2021, sa dette envers la tradition prend la forme d’hommages à quelques grandes figures associées à l’instrument : Cailloux dans l’eau étage ses sonorités à la manière des « Reflets dans l’eau » ; Le Rossignol en amour, comme envolé du Catalogue d’oiseaux de Messiaen, épand ses grappes de notes qui balaient toute l’étendue du clavier ; le Liszt des « Jeux d’eaux » s’invite dans le ruissellement de Résurgence (La Sorgue à Fontaine‑de‑Vaucluse), celui d’« Il Penseroso » dans le sombre Misanthrope (d’après Liszt et Molière). La pièce la plus marquante reste Mémorial, hantée (plus qu’inspirée) par le monument berlinois aux victimes de la Shoah : un alignement implacable de blocs de béton de hauteurs différentes, que le compositeur traduit par des « chapelets d’accords » présentés en de multiples configurations. Dynamiques extrêmes, oppositions de registres et clusters rageurs donnent le sentiment, par endroits, d’entendre plusieurs pianistes... Mais François‑Frédéric Guy est bien seul en scène, dont le jeu charpenté, très en fond de touche, octroie à chaque son le même degré d’intensité. Une approche reconduite dans les pièces de Debussy, où la netteté des appuis écartent le diffus et le vaporeux, notamment dans des « Brouillards » aux textures très compactes et un « Feux d’artifice » plutôt romantique dans ses soudaines poussées de fièvre. « Reflets dans l’eau » (subtilement enchaîné aux Cailloux dans l’eau de Murail) s’harmonise davantage avec l’esthétique impressionniste telle qu’on se la figure.


Que les extraits des Harmonies poétiques et religieuses soient indiscutables, faut‑il seulement le redire ici ? Comme Aldo Ciccolini hier, François‑Frédéric Guy s’est toujours senti une affinité particulière avec ce grand cycle lisztien dont il a signé un enregistrement majeur chez Zig‑Zag Territoires (2010). Notre pianiste a su en capter les résonances, appareillant son jeu à la lyre que le compositeur n’a de cesse de changer d’épaule au gré des poèmes de Lamartine : Bénédiction de Dieu fusionne le legato de violoncelle à la main gauche et les guirlandes de harpes à la main droite ; Pensées des mort impressionne par sa pédalisation de sorcier, avec des phénomènes de résonances où le Steinway de concert se mue en Cavaillé‑Coll de cathédrale ; Funérailles, à la fois fulgurant (traits d’octaves) et impitoyable (déroulé de la marche funèbre), parachève ce récital fleuve en apothéose.



Jérémie Bigorie

 

 

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