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Un conte de terreur transformé en idylle

Madrid
Teatro Real
07/03/2023 -  et 4, 5, 6*, 7, 8, 10, 11, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22 juillet 2023
Giacomo Puccini : Turandot
Anna Pirozzi*/Ewa Plonka/Saioa Hernández (Turandot), Jorge de León*/Michael Fabiano/Martin Muehle (Calaf), Salome Hicia*/Ruth Iniesta/Miren Urbieta‑Vega (Liù), Adam Palka*/Liang Li/Fernando Radó (Timur), Vicenç Esteve (L’Empereur Altoum), Germán Olvera (Ping), Moisés Marín (Pang), Mikeldi Atxalandabaso (Pong), Gerardo Bullón (Un mandarin), David Vento, Antonio Carbonero, Alex Pastor, Nach Rodríguez, Claudia Agüero, Paola Cabello, Eva Hageman (danseurs)
Coro Titular del Teatro Real (Coro Intermezzo), Andrés Máspero (chef de chœur), Pequenos Cantores de la JORCAM, Ana González (chef de chœur), Dan Thomas (vihuela), Orquesta Titular del Teatro Real (Orquesta Sinfónica de Madrid), Nicola Luisotti (direction musicale)
Robert Wilson (mise en scène, décor, lumières), Jacques Reynaud (costumes), Tomasz Jeziorski (vidéo)


A. Pirozzi (© Teatro Real/Javier del Real)


Il y a quatre ans et demi, le Teatro Real a créé cette production de Turandot, signée Robert Wilson et présentée à Paris en 2021. On n’insistera pas sur les qualités de cette vision spéciale et pas du tout réaliste de ce conte de terreur transformé en idylle inattendue, un peu brusque. Le manque de compréhension de l’opera goer typique, qui comprend la question vocale mais méconnaît la question théâtrale, me peine toujours. C’est un conte, n’est‑ce pas ? Alors, les contes, on les conte toujours de la même manière, pas d’innovation ! Hélas, une telle mentalité ne peut pas affronter une solution dramatique telle que la stylisation et la nudité de la scène de Wilson comme c’est le cas ici – Wilson me convainc beaucoup moins comme metteur en scène de théâtre parlé.


On n’insistera donc pas. Nicola Luisotti a été un des grands héros de la représentation, avec une direction proclamant la splendeur de l’ensemble instrumental et donnant une solution lyrico-dramatique pour chaque situation, chaque scène, entre l’intimité d’une ville sous la terreur et l’éclosion grinçante de la fête. Il dirigeait déjà les représentations de 2018. Le chœur, dirigé par Andrés Maspero, a été un complice de très haut niveau dans ses apparitions, parfois hors scène. Il ne faut pas oublier l’ingénuité du chœur d’enfants, les Petits Chanteurs de la JORCAM, dirigés par Ana González.


Luisotti ne peut pas se plaindre des solistes de la première distribution. Anna Pirozzi, presque wagnérienne, avec une formidable affirmation vocale et dramatique, se montre très forte, mais la proposition finale de Wilson est moins acceptable après cette affirmation de femme intraitable, d’héroïne libre dans sa freda stanza mais qui ne joue pas loyalement (elle n’accepte pas de perdre, mais impose l’implacable peine de mort aux perdants). En contraste, le lyrisme nuancé par la force héroïque chez Jorge de León, un Calaf différent, de type léger (chimérique chez Puccini pour un ténor, n’est‑ce pas ?) : cet équilibre est son atout principal. A côté du héros, la véritable héroïne, Liù, la douce Liù, le bouc émissaire, avec la voix pure de Salome Jicia, belcantisme du meilleur aloi, avec des diminuendi, des filati, élégant, une élégance pas du tout étrangère à une femme du peuple, une esclave. Mourir pour avoir si bien chanté !


Vicenç Esteve, qui était il y a quatre ans un des trois ministres bouffons, est maintenant l’Empereur et il se montre aussi digne et riche vocalement qu’en 2018. Les trois ministres, personnages de la comédie et restes de la fiabba lointaine de Gozzi, forment un véritable contraste entre le régime de terreur qu’après tout, ils personnifient (« nous somme des ministres du bourreau ») et le ridicule, le côté comique de cette histoire dont la dimension sinistre ne doit pas être oubliée : ils y parviennent tant par la voix que dans le registre bouffe. En Timur, Adam Palka, voix puissante pour un personnage sans pouvoir, bientôt victime, orne la distribution avec une dignité incontestable.


Bref, une reprise bienvenue pour la fin d’un été promettant le feu et la calima. Mais il semble qu’il y ait une très belle programmation pour 2023‑2024, ne manquez de pas de vous informer.



Santiago Martín Bermúdez

 

 

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