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Honorable et tragique fin de saison Liège Opéra royal de Wallonie 06/21/2023 - et 23, 25*, 27, 29 juin 2023 Francis Poulenc : Dialogues des carmélites Alexandra Marcellier (Blanche de la Force), Patrick Bolleire (Marquis de la Force), Bogdan Volkov (Chevalier de la Force), Julie Pasturaud (Mme de Croissy), Julie Boulianne (Mère Marie de l’Incarnation), Sheva Tehoval (Sœur Constance de Saint‑Denis), Claire Antoine (Madame Lidoine), Coline Dutilleul (Sœur Mathilde), Valentine Lemercier (Mère Jeanne), François Pardailhé (L’aumônier du carmel), Kamil Ben Hsaïn Lachiri (Le geôlier, Thierry, M. Javelinot)
Chœurs de l’Opéra royal de Wallonie-Liège, Denis Segond (chef des chœurs), Orchestre de l’Opéra royal de Wallonie-Liège, Speranza Scappucci (direction musicale)
Marie Lambert-Le Bihan (mise en scène), Cécile Trémolières (décors, costumes), Fiammetta Baldiserri (lumières)
(© ORW-Liège/J. Berger)
Fin de saison mystique à l’Opéra royal de Wallonie. Cette nouvelle production de Dialogues des carmélites (1957) réunit une distribution et une équipe artistique essentiellement féminines. La mise en scène de Marie Lambert-Le Bihan traduit avec pertinence le texte de Bernanos, surtout sur le fond, la forme prêtant plus à discussion. Le décor évolue entre abstraction et concret, mêle allégorie et réalisme, ce qui affaiblit la cohérence esthétique du spectacle. La scénographie appuie un peu trop sur le contexte historique, celui de la Révolution française, certes indissociable du destin tragique des religieuses, mais qu’un Olivier Py avait plus subtilement évoqué. La dernière scène paraît néanmoins aboutie, à la fois sobre et émouvante, les carmélites tombant l’une après l’autre, avec grâce et sérénité, dans l’abîme à chaque chute de la lame, intelligemment suggérée.
Les chanteurs se soumettent à une direction d’acteur assez fine mais le peuple affiche un pittoresque un peu trop caricatural. Les splendides lumières de Fiammetta Baldiserri constituent une des composantes les plus réussies, si ce n’est la plus réussie, de cette scénographie. Et en plus du décor, Cécile Trémolières a conçu, pour les carmélites, de belles tenues blanches et bleues, tous les costumes ayant fait l’objet d’un soin minutieux. Cette mise en scène honorable respecte donc le sens de ces Dialogues, mais il aurait probablement fallu la ramener à l’essentiel, à une forme d’épure.
Presque exclusivement francophone, la distribution comporte de bons interprètes qui se hissent à la hauteur de la réputation de ce théâtre et de l’exigence de cet opéra essentiel du vingtième siècle. Alexandra Marcellier en Blanche de la Force livre une incarnation vocalement au point, mais l’identification au personnage ne parait pas tout à fait évidente, malgré la sensibilité artistique de cette soprano qu’il serait intéressant de retrouver dans un rôle plus extraverti. Julie Pasturaud, mezzo‑soprano à la voix remarquable, explore avec intensité et avec conviction le rôle de Mme de Croissy dont l’agonie nous saisit par son authenticité. Sheva Tehoval, notre carmélite préférée, rayonne en Sœur Constance, belle figure à laquelle cette chanteuse au timbre raffiné apporte beaucoup de fraîcheur et de charme – probablement un peu trop.
Nous retenons également la classe, vocale et physique, de Claire Antoine en Mme Lidoine, et les incarnations probantes de Julie Boulianne, Coline Dutilleul et Valentine Lemercier. De bons chanteurs endossent les rôles masculins, avec une valeur sûre, Patrick Bolleire, irréprochable en Marquis de la Force, un ténor excellent, Bogdan Volkov, dans le rôle du Chevalier de la Force, un personnage qui ne lui permet toutefois pas d’exploiter tout son potentiel, et une voix d’une finesse et d’une clarté idéales pour l’opéra français, François Pardailhé, mémorable en Aumônier. Mentionnons enfin la justesse de Kamil Ben Hsaïn Lachiri dans les rôles plus secondaires du Geôlier, de Thierry et de M. Javelinot.
La précédente directrice musicale, Speranza Scappucci, redescend dans la fosse pour un résultat globalement soigné, en dépit de quelques passages un peu trop anguleux et épais. L’orchestre livre un jeu le plus souvent limpide et transparent, mais parfois un peu trop puissant. Les musiciens adoptent, néanmoins, un ton juste et développent des sonorités idoines. Préparés par Denis Segond, les chœurs, pas moins expressifs, contribuent également à la bonne tenue générale du dernier spectacle de cette belle et copieuse saison.
Sébastien Foucart
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