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Souviens-toi, Arabella

Paris
Théâtre du Châtelet
04/10/2002 -  13, 16, 19, 22, 25, 28 avril
Richard Strauss : Arabella
Anna-Katharina Behnke - Karita Mattila (?) (Arabella), Barbara Bonney (Zdenka), Cornelia Kallisch (Adelaide), Olga Trifonova (Fiakermilli), Sarah Walker (Cartomancienne), Thomas Hampson (Mandryka), Hugh Smith (Matteo), Günter Missenhardt (Waldner), Endrik Wottrich (Elemer), Jochen Schmeckenbecher (Dominik), Nicolas Courjal (Lamoral)
Peter Mussbach (mise en scène), Erich Wonder (décors), Andrea Schmidt Futterer (costumes), Alexander Koppelmann (lumières)
Philharmonia Orchestra, Choeur du Châtelet, Christoph von Dohnanyi (direction)

La Femme silencieuse la saison passée avait laissé un souvenir mitigé ; avec l'annulation de Karita Mattila dans le rôle-titre pour la première, Arabella courait aussi le risque de décevoir. Cette mélo-comédie bourgeoise, rarement donnée à Paris même si elle n'y est pas inconnue, a pourtant bénéficié d'heureux débuts, le public fermant les yeux sur les longueurs des deux derniers actes pour retenir l'envoûtante beauté du premier. Il est vrai que le Philharmonia est apparu en meilleure forme qu'il y a un an, toujours un peu épais de texture, mais mieux équilibré. Certaines hésitations devraient se corriger au fil des représentations, et le solo d'alto ponctué par la clarinette basse avant " Mein Elemer " semble de toute façon écrit pour mettre à mal ses interprètes… Dohnanyi n'est toujours pas de ces straussiens qui irradient les couleurs et donnent aux ligne un envol irrésistible, mais son approche posée, objective, kappellmeister teuton plutôt que viennois, ne semble pas trop déranger les chanteurs. Même satisfecit sans délire pour la production de Peter Mussbach, l'hystérie initiale de la direction d'acteurs cédant vite la place à une approche conventionnelle et réaliste mais judicieuse et assez fine. Erich Wonder se creuse la tête pour trouver une idée anecdotique (des escalators renversés), mais structure avec clarté l'espace et les déplacements des protagonistes. L'esthétique Trump Tower mid-eighties s'adapte sans difficulté au livret, même si le décor unique aux matériaux très concrets et le manque de variété des éclairages finissent par fatiguer - c'est probablement le but. La caractérisation de la mère, délibérément ridicule, et surtout de Matteo, dans lequel Mussbach semble voir un Wozzek ténor (on se demande ce qui pousse Zdenka dans le lit de ce dangereux maniaque) n'est guère convaincante ; ne parlons pas du style des interprètes. Mais les trois comtes sont d'un comique de bonne tenue, le côté tête à claque de la Fiakermilli parfaitement en situation, et Missenhardt campe avec des moyens toujours dignes un Waldner très touchant dans sa décrépitude autistique. Bonney est comme convenu une Zdenka luxueuse et une comédienne virevoltante, même si les qualités uniques de cette grande récitaliste trouvent moins à s'exprimer à la scène. Hampson triomphe dans ses débuts attendus en Mandryka : équilibre parfait de rustauderie et de charme, chant toujours royal où la gloire du timbre et l'élan du souffle prennent cependant un peu le pas sur la subtilité de la ligne et la précision des mots. Anna-Katharina Behnke fait mieux que sauver la soirée, sans doute parce que rien dans son approche n'évoque ce qu'on imagine de Mattila. L'émission haute, l'aigu fortement coloré à la limite de l'acidulé, le grave plus faible mais bien intégré évoquent, avec les ports de voix, le délicat rubato qui animent ces phrases finement dessinées, la clarté enfin de la phonation, ce type vocal et stylistique furieusement viennois qui tend aujourd'hui à disparaître, et qu'illustrèrent, chacune dans un registre différent, les Welitsch, Rothenberger ou Streich - pedigree dont il n'y a pas lieu de rougir ! Certes, le degré d'accomplissement n'est pas comparable, un vibrato un peu lâche gâchant parfois la ligne, surtout dans les nombreux aigus forte qui émaillent la partition, mais ce pont vers une tradition précieuse se franchit avec beaucoup de plaisir. La présence scénique, sans être d'une originalité absolue, ne manque ni de séduction, ni de vivacité, et l'on admire l'aisance avec laquelle l'artiste s'est glissée dans la mise en scène. Tout en attendant Mattila de pied ferme, on gardera donc un souvenir attendri pour ce rendez-vous étrangement nostalgique.


Vincent Agrech

 

 

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