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Ascension réussie Paris Maison de la radio et de la musique 06/16/2023 - Edward Elgar : Concerto pour violon, opus 61
Richard Strauss : Eine Alpensinfonie, opus 64 Vilde Frang (violon)
Orchestre philharmonique de Radio France, Fabien Gabel (direction)
F. Gabel (© Maison Simons)
Ce n’est pas la première fois que Fabien Gabel remplace au pied levé un Mikko Franck souffrant. Peut-on sauver in extremis un concert en y imprimant sa marque ? Qui plus est dans des œuvres peu voire très rarement programmées ? Le premier mouvement du monumental (près de cinquante minutes) Concerto pour violon d’Elgar voit sa direction osciller entre volontarisme dans les passages orchestraux (quitte à bousculer le nobilmente souvent associé au compositeur britannique) et attentisme dans les passages dominés par la partie soliste, laquelle semble dicter telle inflexion, tel rubato. Elle doit faire face à une orchestration compacte, bien que l’Andante central ménage davantage d’aération, en accord avec l’esprit « mélodie accompagnée » que Gabel baigne dans une atmosphère orante. Le retour du thème principal du premier mouvement, dans les dernières mesures du final, revêt des teintes crépusculaires.
De Vilde Frang, on avait le souvenir d’une sonorité acérée dans Bartók et Enesco. Elle se fait ici plus chaleureuse, avec des aigus enrobés et un rubato généreux quoique jamais envahissant. Sa technique s’accorde au versatile Allegro molto dominé par des traits véloces d’un registre à l’autre. On se persuade que quelques temps de répétition supplémentaires auraient renforcé la symbiose avec le chef, particulièrement dans le tissu connectif qui articule les différents thèmes. La violoniste norvégienne ayant été nommée « artiste en résidence à Radio France la saison prochaine », les occasions ne manqueront pas de se familiariser avec son art.
L’acoustique sèche de l’Auditorium joue contre la fusion des pupitres. Le début de l’Alpestre y perd en mystère ce qu’il gagne en luminosité : les premiers rayons du soleil (bois) ne tardent pas à percer à travers les nappes nuageuses (choral des cuivres). La mise en place se renforce à mesure que l’on chemine dans la partition, même si l’on eût souhaité une direction plus pneumatique de la part du chef dont la gestique ménage les grands points névralgiques ; ils ne décevront pas, notamment le spectaculaire panorama de « Vision », un « Orage » sans une once de vulgarité – mais d’où l’on ressort trempé ! – et un émouvant épilogue. Il faudrait citer toutes les têtes de pupitres du Philhar’, de la trompette au cor anglais en passant par le hautbois, sans oublier un orgue parfaitement en situation ; on se limitera à Nathan Mierdl : la fiabilité et la réactivité du jeune premier violon sont loin d’être négligeables dans la réussite du concert qui, pris dans sa totalité, s’apparente à une ascension vers les sommets.
Jérémie Bigorie
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