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Elektra, opéra de chambre Innsbruck Tiroler Landestheater 06/11/2023 - et 17*, 25, 28, 30 juin, 6, 9 juillet 2023 Richard Strauss : Elektra, opus 58 (orchestration Richard Dünser) Aile Asszonyi (Elektra), Magdalena Hinterdobler (Chrysothemis), Angela Denoke (Klytämnestra), Florian Stern (Aegisth), Andreas Mattersberger (Orest), Oliver Sailer (Der Pfleger des Orest), Dagmara Kolodziej-Gorczyczynska (Die Vertraute), Qiong Wu (Die Schleppträgerin), Sascha Zarrabi (Ein junger Diener), Stanislav Stambolov (Ein alter Diener), Jennifer Maines (Die Aufseherin), Abongile Fumba, Fotini Athanasaki, Federica Cassati, Susanna von der Burg, Annina Wachter (Mägde)
Chor des Tiroler Landestheaters Innsbruck, Tiroler Symphonieorchester Innsbruck, Lukas Beikircher (direction musicale)
Johannes Reitmeier (mise en scène), Thomas Dörfler (décors), Michael D. Zimmermann (costumes), Thomas Schmidt-Ehrenberg (dramaturgie)
O. Salier, A. Asszonyi, M. Hinterdobler, A. Mattersberger (© Birgit Gufler)
Cette production marque la fin du mandat du directeur du Landestheater Innsbruck, Johannes Reitmeier. Elle fait suite à la production de Boris Godounov, qui avait montré comment monter dans un théâtre de taille « humaine » une œuvre de cette importance.
C’est un peu la même situation avec un opéra aussi extrême qu’Elektra. Il n’y a pas dans la fosse cet orchestre démesuré auquel nous sommes habitués. Mais nous sommes en Autriche, un pays qui connaît son Strauss. L’orchestration de Richard Dünser est convaincante : le son est équilibré et la fosse, sous la direction de Lukas Beikircher, sait soutenir la scène. Dans de telles conditions, on se surprend à avoir plus de facilités à suivre l’excellent texte d’Hofmannsthal et d’en saisir l’illustration qu’en font les chanteurs. On découvre à plusieurs reprises des détails sur la manière dont l’orchestre illustre le texte et des passages qui mélangent douceur et intensité.
L’autre surprise de cette représentation est la qualité de la direction d’acteur obtenue par Johannes Reitmeier, intendant du Landestheater, qui faisait ici ses adieux. Dans sa conception, Electre est un personnage... faible. Les servantes ne la redoutent pas, Chrysothémis se moque d’elle et Clytemnestre n’en fait qu’une bouchée. Ce n’est pas elle qui danse à la fin mais Chrysothémis. Et il ne lui reste plus qu’à se précipiter sur le couteau d’Oreste pour se suicider à la fin par dépit. Voici une lecture personnelle, intelligente et réalisée avec beaucoup de métier.
Le niveau musical, bien que varié, est de qualité. Dans le terrible rôle‑titre, Aile Asszonyi a une certaine puissance mais semble avoir du mal dans les aigus, qui ne sont pas toujours justes, et le phrasé en souffre. Elle n’est pas non plus complètement en accord avec la fosse, Lukas Beikircher ralentissant un peu trop certains passages. Mais la scène de la reconnaissance, qui est moins exposée, la trouve cependant à son meilleur. L’Oreste torturé d’Andreas Mattersberger est très convaincant tandis que l’Egisthe de Florian Stern est un peu trop monotone. Les petits rôles issus de la troupe sont homogènes, certains de grande qualité comme la mezzo sud‑africaine Abongile Fumba dans le rôle d’une des servantes.
Ce sont les deux autres rôles féminins qui impressionnent. Ancienne soprano dramatique, Angela Denoke a une présence scénique très forte. A l’exception de quelques notes un peu basses, elle est à son aise vocalement dans le rôle de Clytemnestre. Mais surtout, elle sait jouer avec un texte parfaitement compréhensible avec beaucoup de métier. La prestation la plus complète de la soirée est assurée par Magdalena Hinterdobler. La chanteuse munichoise a une technique superbe. Et très sûre, avec une justesse sur toute la tessiture et beaucoup de couleurs. Dans de telles conditions, elle peut caractériser son personnage de Chrysothémis et phraser avec beaucoup d’expression. Elle a déjà chanté à l’Opéra de Francfort l’Eva des Maîtres‑Chanteurs et sera cette saison Elisabeth de Valois dans Don Carlos. Voici un nom dont on va certainement entendre parler.
Ce sera à partir de la saison suivante Irene Girkinger qui prendra la suite de Johannes Reitmeier. Il peut se féliciter de lui laisser une maison d’opéra ambitieuse mais réaliste et en excellent état.
Antoine Lévy-Leboyer
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