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De Nozze van Figaro Gent Opera Vlaanderen 05/30/2023 - et 1er, 3, 6, 8, 11* juin (Gent), 23, 25, 27, 29 juin, 1er, 4, 6 juillet (Antwerpen) 2023 Wolfgang Amadeus Mozart : Le nozze di Figaro, K. 492 Maeve Höglund (Susanna), Bozidar Smiljanic (Figaro), Lenneke Ruiten (Comtesse), Kartal Karagedik (Conte), Anna Pennisi (Cherubino), Eva Van der Gucht (Marcellina), Stefaan Degand (Bartolo, Antonio), Daniel Arnaldos (Basilio), Elisa Soster (Barbarina)
Koor Opera Vlaanderen, Jan Schweiger (chef de chœur), Symfonisch Orkest Opera Vlaanderen, Marie Jacquot/Clemens Jüngling* (direction musicale)
Tom Goossens (mise en scène), Sammy Van den Heuvel (décors), Dorine Dotje Demuynck (costumes), Luc Schaltin (lumières)
(© Opera Ballet Vlaanderen/Annemie Augustijns)
Il fallait s’y attendre : l’Opéra des Flandres n’allait pas monter Les Noces de Figaro (1786) comme tout le monde. Tom Goossens insuffle à la « folle journée » une importante dimension théâtrale, conférée par une direction d’acteur de haut vol. Le jeune metteur en scène inscrit l’action dans une scénographie faussement simple, sans transposition ni abstraction, à la fois ludique et poétique, qui claque et éclate, mais avec de nécessaires respirations. Sur une plateforme légèrement penchée en avant se trouvent disposés, d’abord, de rudimentaires éléments de décor, mis à plat, soigneusement alignés comme dans un catalogue de pièces détachées, ensuite une structure de toiles, de laquelle émerge une tribune, enfin, belle idée, des carrés de verdure, jusqu’à présent dissimulés sous les dalles.
Mais ce qui distingue surtout cette mise en scène, c’est sa dramaturgie particulière, voire inédite, grâce à quelques adaptations, à la réécriture de certains dialogues et à l’interprétation des personnages, d’habitude un peu négligés, d’Antonio, de Bartolo et de Marcelline par deux truculents acteurs flamands, Stefaan Degand et Eva Van der Gucht, qui jouent en néerlandais avec un savoureux abatage. Oui, vous avez bien lu, en néerlandais. Et là réside la provocation ou bien, c’est selon, l’audace, car il peut a priori s’agir d’une manifestation de fierté nationaliste franchement déplacée ou d’une volonté d’ajouter à cette trame bien connue une sérieuse et géniale dose de second degré, à moins que la vérité se situe, comme souvent, entre les deux. L’Ernani de cet hiver mettait toutefois déjà à l’honneur la langue de Vondel. Le public, en tout cas, semble adhérer et rigole de bon cœur dans ces passages relevant, par leur nature ainsi altérée, davantage du théâtre musical que de l’opéra – la scène du tribunal pousse tout de même assez loin, peut-être même trop loin, le concept. Les puristes, qui se demandent dans quelle galère ils se retrouvent embarqués, risquent donc d’assez peu apprécier ce détournement mais la musique de Mozart demeure saine et sauve. Et le talent de Tom Goossens, qui signe un spectacle maîtrisé et personnel, ne saurait être remis en question. L’esprit demeure bien celui des Noces de Figaro.
La distribution se hisse tout juste à un niveau acceptable. Même si à peu près tous les chanteurs soignent leur partie, la performance théâtrale imprègne toutefois davantage la mémoire, et Tom Goossens ne les ménage pas. Cependant, quelques noms se distinguent, comme Bozidar Smiljanic et Maeve Höglund, à tout point de vue remarquables en Figaro et en Suzanne, deux solides chanteurs à la voix attrayante. Si Kartal Karagedik impressionne surtout physiquement en Comte, Lenneke Ruiten déçoit assez étrangement – en Comtesse, elle pourtant si excellente, en Marie Stuart ce printemps à la Monnaie, malgré sa belle présence, à cause d’une voix souvent dure et d’un chant peu raffiné – méforme passagère ? Le rôle de Chérubin échoit à la vive Anna Pennisi, qui attire l’attention par la tenue de son chant et ses aptitudes théâtrales, en dépit d’un physique un peu trop féminin. Outre les tous petits rôles, attribués à des membres du chœur, la délicate Elisa Soster complète joliment la distribution en Barberine, tandis qu’en Basilio, Daniel Arnaldos promène sa silhouette longiligne et apprêtée.
Dans la fosse, Clemens Jüngling remplace Marie Jacquot pour cette représentation. Sous sa direction, l’orchestre ne donne pas tout à fait le meilleur de lui‑même, ayant déjà joué avec bien plus de finesse et de précision, mais il sonne avec assez de transparence et de vigueur. Même s’ils ne suscitent jamais de grandes attentes dans cette œuvre, les choristes, fidèles à eux‑mêmes, s’impliquent avec autant de maîtrise et de conviction que autres les interprètes.
Sébastien Foucart
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