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Asmik Grigorian à la rescousse de l’OSR Geneva Victoria Hall 05/24/2023 - et 25* mai 2023 Yann Robin : Shadows III
Richard Strauss : Salome, TrV 215, opus 54 : « Danse des sept voiles » – Vier letzte Lieder, TrV 296 Asmik Grigorian (soprano), Quatuor Tana : Antoine Maisonhaute, Ivan Lebrun (violon), Natanael Ferreira (alto), Jeanne Maisonhaute (violoncelle)
Orchestre de la Suisse Romande, Jonathan Nott (direction)
A. Grigorian (© Algirdas Bakas)
Grondements sonores à répétition, roulements de timbales rugissants, sons stridents et assourdissants, effectif de percussions pléthorique, rythmes syncopés, musique lancinante et obsédante, « maelström » orchestral dont on peine à saisir les contours et les structures, comme s’il s’agissait d’une sorte de laboratoire musical expérimental... La première partie du dernier grand concert de la saison de l’Orchestre de la Suisse romande (OSR), sous la direction de son directeur artistique, Jonathan Nott, a laissé perplexe plus d’un auditeur. La formation a présenté pour l’occasion une création dont elle avait passé commande en 2019 et dont la pandémie a retardé l’exécution : Shadows III, concerto pour quatuor à cordes et orchestre de Yann Robin (né en 1974), une œuvre qui s’inscrit dans la continuité du cycle Shadows, spécifiquement et entièrement conçu pour le Quatuor Tana. L’ouvrage a passablement intrigué mais pas vraiment convaincu. Quoi qu’il en soit, les quatre solistes ont eu beaucoup de mérite à faire face à un si grand effectif et à s’attaquer à cette partition qui les a poussés dans leurs derniers retranchements, contraints de produire des sons qu’ils ne pensaient eux‑mêmes pas possibles avec leurs instruments respectifs. Le public a chaleureusement salué tout autant leur abnégation que leur performance.
La seconde partie de la soirée était consacrée à Richard Strauss. Tout d’abord avec la célèbre « Danse des sept voiles » tirée de l’opéra Salomé, pour laquelle Jonathan Nott a privilégié une lecture langoureuse et sensuelle, avec notamment des cordes au soyeux superbe, au détriment cependant du côté sauvage et bestial de l’œuvre, laquelle, en fin de compte a pu sembler un peu lisse. Le concert s’est terminé avec les Quatre derniers lieder, interprétés par Asmik Grigorian. La soprano lituanienne avait fait très forte impression à Genève en 2018, lorsque, remplaçant pratiquement au pied levé une collègue malade, elle avait sauvé avec panache le concert du centième anniversaire de l’OSR. Son retour avec la formation était donc attendu avec impatience. Sa prestation a été absolument remarquable et a permis de donner un certain lustre à une soirée qui, sinon, aurait vite été oubliée. Asmik Grigorian a, en quelque sorte, sauvé pour la deuxième fois un concert de l’OSR ! La chanteuse a impressionné tout d’abord par la solidité et l’homogénéité de sa voix, mais surtout par l’ampleur de celle‑ci, son instrument n’ayant absolument aucune peine à passer l’orchestre et à se projeter dans la salle. Les aigus étaient rayonnants, les graves sonores, les atmosphères et les couleurs parfaitement contrastées. Si « Frühling » se voulait majestueux et lumineux à la fois, un voile de mélancolie et de tristesse est venu envelopper « September » dès les premières mesures. Dans « Beim Schlafengehen », les aigus cristallins de la soprano ont été une pure merveille, de même que l’intervention du violon solo. «Im Abendrot » s’est terminé dans une douceur infinie et des pianissimi évanescents, traduisant à merveille cet hymne à la nuit.
Claudio Poloni
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