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Ferveur catalane

Paris
Philharmonie
05/22/2023 -  et 18 (Barcelona), 20 (Dresden) mai 2023
Ludwig van Beethoven : Missa Solemnis en ré majeur, opus 123
Lina Johnson (soprano), Olivia Vermeulen (mezzo-soprano), Martin Platz (ténor), Manuel Walser (baryton)
La Capella Nacional de Catalunya, Lluis Vilamajo (chef de chœur), Le Concert des Nations, Jordi Savall (direction)


J. Savall (© David Ignaszewski)


Jordi Savall a fait du chemin dans le monde beethovénien depuis son enregistrement de la Symphonie « Héroïque » en 1994. Depuis, et notamment dans le cadre de la saison 2019‑2020 qui a marqué l’« année Beethoven » (deux cent cinquantième anniversaire de sa naissance), il a donné à la Philharmonie de Paris l’intégrale de ses symphonies à l’occasion de quatre concerts qui, pour les deux auxquels nous avons eu la chance d’assister, se révélèrent des plus convaincants (voir ici et ici). Qu’allait‑il en être de la Missa Solemnis, un des Himalayas de l’œuvre du compositeur, avec laquelle même les plus grands ne se montrent pas toujours à l’aise, ni même très bons (souvenons‑nous par exemple du résultat très mitigé auquel était parvenu Riccardo Muti il y a deux ans au Festival de Salzbourg) ? On pouvait craindre, notre oreille étant habituée aux grandes fresques orchestrales et chorales, que l’interprétation de ce soir pècherait par une certaine sécheresse, voire par une inévitable petitesse sonore, contaminée presque par certains réflexes ou jeux baroques. Etrangement peut‑être, il n’en fut rien et Jordi Savall aura finalement signé ce soir une superbe version dominée par une ferveur communicative, ferveur sublimée par le geste du chef catalan.


La ferveur, on l’a immédiatement entendue dans le chœur de La Capella Nacional de Catalunya, admirablement prepare par Lluis Vilamajo. Que ce soit dans le « Gloria in excelsis Deo » inaugurant ou concluant le Gloria, dans le début du Sanctus ou dans le «  Donanobis pacem » conclusif, les trente‑six choristes furent toujours excellents, capables des plus vifs emportements comme des plus infinies finesses que requiert cette partition si délicate. La ferveur, on l’a également eue dans l’orchestre où, pour l’occasion, le vieux comparse de Jordi Savall, Manfredo Kraemer, avait laissé sa place de violon solo à Lina Tur Bonet, quasiment irréprochable, hormis deux ou trois problèmes de justesse, dans son si périlleux solo au sein du Sanctus, la jeune violoniste espagnole ayant par ailleurs une énergie qui a sans nul doute contribué à emporter l’orchestre dans les tourbillons de la partition. Le plaisir des musiciens de jouer ensemble (les regards de la violoniste Alba Roca, le jeu plein d’entrain du flûtiste Charles Zebley, qui s’illustra en particulier dans ce passage presque surnaturel du « Et incarnatus est », la verve du timbalier Riccardo Balbinutti...) était patent et communicatif. On regrettera tout de même que les deux trompettes aient été trop timides et, de fait, difficilement audibles en plus d’une occasion, notamment dans l’Agnus Dei alors même qu’elles étaient placées plutôt en hauteur, au dernier rang de l’orchestre, à la droite des timbales (tandis qu’à leur gauche, jouaient les trois trombones).


Le quatuor de solistes fut très bon sans être exceptionnel mais, justement, n’est‑ce pas là l’alchimie qui en est ressortie, personne n’ayant pu ou essayé de tirer la couverture à lui ? La plus convaincante fut sans nul doute la mezzo Olivia Vermeulen, tout particulièrement lorsqu’elle intervint dans l’« Et incarnatus est » : voix suave, projection assurée, médium de toute beauté... Félicitations également au ténor Martin Platz, dont les attaques notamment ont toujours été effectuées avec délicatesse, le chanteur ayant toujours su se fondre dans l’ensemble quand il le fallait. Relative déception pour les interventions du baryton Manuel Walser, dont la voix solaire fut parfois trop retenue alors que son sens de la musicalité et ses interventions auraient sans doute été plus convaincantes s’il avait chanté un peu plus fort, en n’ayant pas peur de se mettre un peu plus en avant. Relative déception également à l’écoute de la soprano Lina Johnson qui, outre une voix légèrement flottante de temps à autre, n’aura pas non plus su s’affirmer comme on aurait pu le souhaiter.


Jordi Savall, qui avait pour l’occasion recours à une baguette (lui qui dirige si souvent soit à mains nues, soit de son archet de gambiste lorsque le répertoire s’y prête), fut particulièrement inspiré lors de ce concert qui clôturait une petite tournée européenne. Nul doute que Paris aura bénéficié des ajustements effectués au fil des deux concerts précédents. Savall dirigea l’ensemble avec beaucoup d’attention, veillant ostensiblement à la bonne mise en place de tout son monde ; si l’on a parfois pu regretter certains passages ou transitions un rien précipitées, hérités en quelque sorte de sa pratique du répertoire baroque (an sens très large du terme !), Jordi Savall nous aura convaincu sans grand mal par son élan, son sens du mouvement et sa ferveur, palpable pour tout un chacun ici présent.


Signalons enfin que ceux qui souhaiteraient entendre Jordi Savall diriger le Concert des Nations dans Beethoven pourront les écouter dans les Sixième et Septième Symphonies à Bari le 28 mai et, consécration suprême en quelque sorte, dans les Troisième et Cinquième Symphonies et de nouveau dans les Sixième et Septième Symphonies au Festival de Salzbourg les 7 et 9 août prochains.


Le site de Jordi Savall, du Concert des Nations et de la Capella Nacional de Catalunya
Le site de Lina Johnson
Le site d’Olivia Vermeulen
Le site de Martin Platz
Le site de Manuel Walser
Le site de Lina Tur Bonet



Sébastien Gauthier

 

 

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