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Un grand soir

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
05/14/2023 -  et 10 (Wien), 11 (Köln), 12 (Amsterdam), 13 (Hamburg) mai 2023
Leos Janácek : Zárlivost
Serge Prokofiev : Roméo et Juliette, opus 64 (extraits)
Dimitri Chostakovitch : Symphonie n° 5, opus  47

Wiener Philharmoniker, Jakub Hrůsa (direction)


J. Hrůsa (© Dieter Nagl)


Avant de commencer in medias res, Jenůfa comportait une ouverture. Le bref Jalousie sert de hors‑d’œuvre au concert donné aux Champs‑Elysées par un Orchestre philharmonique de Vienne aux sonorités plus capiteuses que jamais, avec des cordes dont la rondeur et l’homogénéité atteignent la perfection.


Cela ne siérait peut-être pas aux partitions les plus corrosives de Prokofiev, mais fait merveille dans Roméo et Juliette, dont Jakub Hrůsa a sélectionné des numéros tirés des deux premières Suites, qu’encadrent l’Introduction et la «  Mort de Juliette ». L’alliance du lyrisme, de la beauté plastique et du sens de la narration est fascinante de la part du chef tchèque, qui raconte une histoire et ne se contente pas d’enchaîner des morceaux. Les traits de Juliette enfant fusent avec une légèreté virtuose, mais la violence des accords parallèles de la fin de « La Mort de Tybalt » n’est pas éludée, « Roméo et Juliette (scène du balcon) » déborde de passion, « La Mort de Juliette » est bouleversante. Au-delà de la maîtrise absolue de la partition, Jakub Hrůsa impose une vision, d’une intensité tragique – en vrai chef de théâtre.


Quelques jours auparavant, la noirceur, l’ironie, l’ambiguïté, l’émotion nous avaient manqué dans la Symphonie « Leningrad » dirigée par Klaus Mäkelä. Dès les premières mesures de la Cinquième, confiées aux seules cordes, on sent que le Tchèque va nous donner ce dont le Finlandais nous avait frustré. La construction de la forme, portée par une tension jamais relâchée, la richesse et la variété des couleurs, impressionnent de bout en bout, jusqu’à l’apothéose finale, dont on cherche toujours la vraie signification en cette année 1937 où les purges staliniennes ont commencé. Même sans titre, même sans programme, cette symphonie en dit très long et Jakub Hrůsa en a bien perçu le message. Parce qu’il est né dans un pays qui sait ce que stalinisme veut dire ? Sans doute. Parce qu’aussi il a regardé la partition au fond des yeux : ne dit‑elle pas tout ? Le grand crescendo central du douloureux Moderato initial prend à la gorge. L’ombre de Mahler passe heureusement à travers l’Allegretto narquois, avec ses solos moqueurs – quel premier violon ! – et ses fanfares outrées, avant que le Largo ne sonde des abîmes, entre contemplation et déflagration. Pas moins narrative que chez Prokofiev, la direction ne se fragmente pas, tout est magistralement tenu, jusqu’à l’Allegro non troppo, dont la puissance échappe à tout pompiérisme – aucun effet de saturation comme à la Philharmonie. On entend là un très grand chef – qui méritait d’être le directeur musical de l’Opéra de Paris... Covent Garden a bien de la chance.


Il revient sur ses terres via le bis, la Deuxième (en mi mineur) des Danses slaves de l’Opus 72, très déliée rythmiquement, aux parfums savoureux. On n’entend pas souvent de tels concerts.



Didier van Moere

 

 

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